Cela fait des années que tous les faiseurs de ville sont mobilisés pour rendre la densité “acceptable”. Il faut bien trouver des réponses aux levées de boucliers des voisins des projets de construction un peu significatifs comme aux hésitations de certains élus locaux. Car dans les territoires attractifs l’arrêt de la dynamique de construction de logements a un effet bien concret : il participe à l’éviction vers une périphérie toujours plus lointaine des moins fortunés par la pénurie et l’augmentation des valeurs. Alors on a tout essayé : inventer de nouvelles formes urbaines, poser de fausses maisons sur le toit d’immeubles, rogner quelques étages… on longtemps cherché le chiffre magique de la bonne densité et on a même essayé de changer les mots pour éviter de parler de densité. Mais rien n’y fait.

Quatre chercheurs britanniques de la London School of Economics and Political Science se sont enfin attaqué sérieusement à la question. La périphérie de Londres recèle de nombreux espaces issus d'un passé industriel florissant, qui pourraient être aujourd’hui consacrés à la construction pour répondre à la crise du logement. Mais là comme ailleurs, ces projets se heurtent à des résistances farouches. Alors comment rendre plus acceptables ces opérations ? Le design étant sans doute une clef, nos chercheurs ont proposé a un petit millier de résidents de la périphérie de Londres une série des photos de rues en modifiant différents paramètres (nombre d’étages, recul des façades, parking, plantations, matériaux de façade, toitures, tailles des ouvertures…) et mesuré leurs réactions, pour enfin comprendre comment dessiner des projets plus acceptables. Et bien, les résultats ne sont pas brillants.

D’abord, plus c’est haut moins ça passe : la densité perçue est en relation directe avec la densité réelle et les plus élevées sont les moins bien acceptées, quelques soient les options testées. Certains changements peuvent améliorer les choses de façon marginale, mais que pour les projets les moins denses : les façades en briques (on est à Londres), les grandes fenêtres ou la présence de végétal notamment. Pour les bâtiments les plus hauts, un seul élément de design permet d’améliorer un peu l’acceptabilité : les toits en pente… Décidément, difficile de trouver comment rendre cette fameuse densité acceptable.

Mais c’est la suite de l’étude qui est éclairante. Plus que tout élément de design du bâtiment ou de l’espace public, c’est la compréhension des enjeux qui motive ces projets qui les rends significativement plus acceptables, et ce quelque soit la densité concernée. Les résidents les plus en accord avec la phrase « Il y a une crise du logement à Londres » sont ceux qui accueillent le mieux ces projets. Expliquer pourquoi un projet de densification est nécessaire est donc l’acte le plus efficace. Une fois de plus la question était mal posée : la question n’était pas « comment » construire, mais comment expliquer le « pourquoi » :

New development can be at higher density and acceptable where existing residents see it as part of a wider picture, where they are convinced of its need. Alongside design, attitudes related to the need for density are open to change and are a potentially powerful policy arena to further the delivery of new housing on brownfield sites in the suburbs.

L’autre élément déterminant de l’acceptabilité de ces projets - plus que tout élément de design - est aussi le sentiment d’avoir une influence sur ces projets :

Empowering communities (…) could potentially create a sense of control over shaping developments to obtain desirable outcomes, resulting in higher levels of development acceptability and lowering perceptions of density.

L’architecture du bâti et des espaces publics est bien sûr importante, mais largement insuffisante à accompagner la transformation nécessaire de certains de nos tissus urbains. Il nous faut expliquer sans relâche pourquoi celle-ci est nécessaire, mais aussi intégrer les citoyens aux débats trop souvent menés en sourdine sur ces projets. Expliquer le pourquoi et discuter du comment, c’est sans doute aussi un bon moyen de faire de meilleurs projets que ceux qui sont aujourd’hui menés dans la douleur. Voilà une mission essentielle pour les élus locaux, difficile et nouvelle. Il s’agit pour eux moins de procéder à des arbitrages que d’organiser un dialogue en questionnant la forme mais aussi la nécessité et le programme. Des débats plus complexes, mais bien plus importants que de s’écharper sur un nombre d’étages ou la couleur d’une façade. Mais encore faut-il que ces mêmes élus aussi comprennent aussi le « pourquoi ». On y travaille activement.

– Sylvain

PS : Le mardi 26 octobre à 13h, dixit.net reçoit Pierre-Yves Legrand, directeur de Novabuild, pour discuter de la réglementation environnementale, la fameuse RE2020.

Entretien · Imaginer la transition

Chez dixit.net, on est intimement persuadé que les récits et les imaginaires ont un rôle primordial à jouer dans les transitions écologiques, sociales et culturelles que nous vivons. Cet article est tiré d'un entretien avec Noémie Aubron, directrice générale de 15 marches et autrice de la newsletter La Mutante, et David Abittan, rédacteur en chef de Tema.archi. Nous avons parlé de futur positif, de naïveté dans l'écriture, mais surtout des outils à notre disposition pour écrire de nouveaux imaginaires.

Ouverture · Lire, écouter, rencontrer, voir...

📅 Agenda.

• 19 octobre : apéro virtuel avec Adeline Ginn, fondatrice de Women in rail. (Femmes en mouvement)

• 20 octobre : conférence de Michel Lussault à Bruxelles sur l’urbanisme de l’attention et du prendre soin. (FUP)
• 21 octobre : webinaire de présentation du rapport “Décarboner l’Administration”. (Shift Project)

🎙️ Podcast. Magnifique entretien avec Valérie Masson-Delmotte, qui co-préside le premier rapport du GIEC publié cet été. On y apprend plein de choses évidemment, mais c’est aussi une formidable leçon de management de projet interculturel, et un témoignage saisissant de l’engagement de ces scientifiques qui travaillent aux quatre coins de la planète pour comprendre nos impacts sur le climat. (Présages)

🤔 « Comment vous sentez vous ? ». C’est la question de Christophe Cassou - chercheur participant aux travaux du GIEC - aux sénateurs lors d’une récente audition :

Comment vous sentez vous, émotionnellement parlant, après le moment qu’on a passé ensemble ? On vous a dressé un tableau clair, sombre, qui nécessite des actions courageuses pour protéger au mieux les sociétés humaines les plus vulnérables, mais plus généralement le vivant. Est-ce que vous vous sentez curieux d’en savoir davantage ? Est-ce que vous vous sentez impuissants ? Ou paralysés par le défi immense que nous devons relever, et dont vous êtes un acteur incontournable car représentant des citoyens ? (A regarder ici)

📐 Architecture. Interview de Christine Leconte qui appelle à sortir de la vision à court-terme et à rentrer dans le temps de la fabrique de la ville pour l'intérêt général, au delà des intérêts financiers. Le grand chantier de maintenant étant : comment faire mieux avec moins de technicité, moins de matériaux et moins d'espace ? (Les Echos)

🚗 Mobilité à la campagne. Courte tribune de la sénatrice France Masai, cheffe du groupe écolo en Belgique, sur la nécessité d'apporter une réponse au tout-voiture dans les campagnes : logements plus près des services, attractivité des modes alternatifs de déplacement, augmentation de l'offre et de l'amplitude horaire, etc.(Trends)

📖A lire. Pour en finir avec la vitesse, de Tom Dubois, Christophe Gay, Vincent Kaufmann et Sylvie Landriève (Editions de l'Aube)

Est-ce que vous vous êtes déjà demandé comment Tinder a transformé nos mobilités ? Si ce n’est pas le cœur de l’exposé de cet ouvrage, cette question illustre bien la réflexion menée par ces membres du Forum Vies Mobiles. En interrogeant les modes de vie des français, mais surtout en questionnant leurs envies, les auteurs vont au-delà des réflexions plus classiques sur les outils de la mobilité. L'idée n'est pas vraiment de savoir si la voiture autonome et/ou électrique sera l'avenir mais de savoir si nous en avons envie et pourquoi. Les données chiffrées égrainées tout au long du livre permettent de se faire une idée juste et précise de l'état actuel de la mobilité en France et de mieux envisager les projections sur les mobilités futures. Un regard inédit et très éclairant sur la manière dont on souhaiterait (ré)organiser nos territoires mais surtout nos modes de vie.

Le temps est venu de remettre en question la globalisation comme seul horizon des dynamiques urbaines, mettant en concurrence les grandes villes mondiales. Il s'agit de renoncer à faire (encore) grossir les métropoles en démultipliant les moyens de communication et les réseaux de transports rapides, comme cela continue d'être fait dans la région francilienne.

🐛 Biodiversité. Plaidoyer pour des villes plus vivantes et plus vivables, plutôt que pour des villes "vertes". Il s'agit d'y accueillir toute la biodiversité, donc des espèces diverses, locales, qui ont des relations entre elles et avec leur habitat. Un urbanisme écosystémique qui semble plus résilient et plus équilibré qu'une rangée de platanes. La ville s'organiserait alors pour l'ensemble du vivant, humain et non-humain, avec un travail plus long sur les projets urbains, pour avoir de vrais retours sur opérations et adapter ce qui peut l'être. (ID4D)

☕ Résilience. Etude sur la résilience portée par le Grand Lyon. Les auteurs y retracent les enseignements tirés de dix démarches en France et en Europe sur les stratégies de résilience des villes, les projets alimentaires interterritoires ou les démarches de transition, etc. De quoi revenir sur cette notion clé, mais surtout de comprendre comment elle se définit à l'épreuve du terrain et de l'opérationnel. (Millénaire 3)

dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons dans notre newsletter les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment :