Biomimétisme : s'inspirer du vivant pour bâtir la résilience

Avec Emmanuel Delannoy, on a suivi les pistes du biomimétisme pour engager les transformations nécessaires de nos économies, nos territoires et nos organisations. Car si le vivant est en crise, il peut aussi nous inspirer ses solutions.

Biomimétisme : s'inspirer du vivant pour bâtir la résilience

Sylvain GRISOT > Bonjour Emmanuel Delannoy. Vous êtes conférencier, entrepreneur multirécidiviste et consultant. Vous êtes aussi l’auteur de plusieurs essais remarqués, dont L’Economie expliquée aux humains (2011), Permaéconomie (2016) et Biomiméthique : répondre à la crise du vivant par le biomimétisme (2021). Nous allons échanger sur les transformations nécessaires de nos économies, mais aussi de nos territoires et de nos organisations. Avant de tisser des liens entre les entreprises et les enjeux écologiques par la biomimétisme, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Emmanuel DELANNOY > Mon parcours personnel et professionnel m’a fait passer de la biologie à l’économie et au management, mais aussi par des associations de protection de la nature et de l’environnement, comme Humanité et Biodiversité. Une autre casquette a été celle de cadre supérieur en entreprise, qui n’avait à priori rien à voir avec la biodiversité. Mais des connexions sont vite apparues . En 1999, je reprends des études pour faire du lien entre ces sujets avec un master spécialisé sur les aspects systémiques de l’écologie. On parlait encore de développement durable à l’époque, mais c’est une expression que je n’ose plus prononcer. Ce parcours m’a amené à être négociateur pendant le Grenelle de l’Environnement pour Humanité et Biodiversité. J’ai aussi créé l’institut INSPIRE pour faire des passerelles entre le monde scientifique de l’écologie et de la biodiversité, celui du monde associatif de la protection de l’environnement et le monde des entreprises. Grâce à ce langage commun, des pistes stratégiques ont été élaborées pour se comprendre et parler de la même chose. L’étape suivante étant bien sûr d’agir ensemble.

Un pied dans chaque monde pour trouver un langage commun autour d’un objectif clair : faire bouger les systèmes au-delà de les comprendre. On parle beaucoup de crise climatique, de crise des ressources, énergétiques ou matérielles… Mais on parle beaucoup moins de la troisième crise du siècle, celle du vivant et de la biodiversité. Pouvez vous nous rappeler l’importance de cette crise et à quel point elle est liée aux autres ?

En relisant La Théorie Gaïa de James Lovelock, on fait le constat que le climat est une coproduction de l’ensemble du système vivant planétaire, c’est-à-dire que chaque espèce contribue au climat, à sa régulation, voire à sa dérégulation pour notre espèce. La crise climatique et la crise de la biodiversité sont intimement liées, on ne traitera pas l’une sans l’autre. La crise des ressources, c’est la même chose, on parle d’hydrocarbures fossiles, donc de la biodiversité du passé, en négligeant complètement celle du présent qui nous entoure. Or, nous en dépendons pour respirer, pour manger, pour digérer les aliments, mais aussi toutes les muqueuses qui sont sur notre peau, etc. On a au moins autant de cellules non humaines que de cellules humaines dans notre enveloppe corporelle. Nous sommes dans une relation de dépendance radicale vis-à-vis du système vivant. La biodiversité n’est pas un sujet environnemental de plus, mais une voie royale vers la pensée systémique : dans le vivant tout est lié.

Aujourd’hui, on parle de la sixième grande crise d’extinction de la biodiversité. La cinquième était celle de la fin du crétacé, donc des dinosaures, mais aussi beaucoup d’autres espèces. On est dans les mêmes ordres de grandeur en termes d’amplitude et de rapidité : le taux d’extinction est aujourd’hui 100 fois à 1000 fois supérieurs aux taux d’extinction naturel. L’espérance de vie d’une espèce étant de 2 à 5 millions d’années, l'extinction d'une espèce dans une vie humaine devrait être un phénomène exceptionnel. Or, on en constate des dizaines tous les ans.

Cette crise de la biodiversité est là et à plusieurs niveaux. Les disparitions d’espèces est peut-être la partie la plus médiatisée. Mais il y a aussi l’effondrement des populations. Par exemple, on constate une chute de 80% des  populations d’insectes volants en Europe sur les 40 dernières années. Toutes les fonctionnalités écologiques liées à ces insectes, comme la pollinisation, s’effondrent à mesure que leur population chute. Cela veut aussi dire que le réservoir de diversité génétique à l’intérieur de ces populations diminue. Or, la capacité d’adaptation des espèces est liée à cette diversité génétique. C’est une véritable spirale d’extinction, de la diminution des habitats, des effectifs et de la diversité génétique qui peuvent conduire à l’extinction totale. La crise de la biodiversité, ce sont toutes ces dimensions là.

Un autre aspect fondamental est la standardisation de l'aménagement du territoire par des villes, des routes, des ponts… Cela amène à une forme d’uniformisation des habitats qui n’est pas favorable à la biodiversité. C’est la résultante logique d’un mode de pensée très cartésien, lié à la révolution industrielle, pour gagner en efficacité et en rendement. On a cherché à chasser toutes variabilités non contrôlées. Le modèle industriel, c’est faire des économies d'échelle en produisant au plus fort volume possible pour avoir un coût unitaire le plus faible possible. Si toutes les tiges de blé font 90cm, c’est parce que chaque tige est le clone de sa voisine, avec quasiment zéro diversité génétique. Tout cela hélas entraîne une grande vulnérabilité des systèmes.

La crise de la biodiversité est donc globale et touche toutes les échelles du vivant, dont nous faisons partie, remettant en cause nos propres écosystèmes. Nous sommes fragiles alors que le vivant est en crise et que tout bouge autour de nous.

Pour paraphraser Saint-Exupéry, l’essentiel est invisible pour les yeux. Pour la biodiversité aussi. Ce sont les micro-organismes, c’est tout ce qui est caché, qui vit dans le sols, dans les océans profonds… qui sont majoritairement contributeurs du cycle de l’azote, du phosphore, du carbone, de l’eau… Les interactions et les inter-relations sont essentielles et ne se voient pas non plus.

On s’accoutume au changement de notre milieu, à la perte de moustiques sur notre pare-brise… Mais aussi la perte en biodiversité du sol ou de la quantité de planctons dans les océans. Il faudrait regarder ces éléments de façon à réagir. Réagir par rapport à cette crise du vivant, mais c’est peut-être aussi s’inspirer de lui pour trouver des solutions. Le biomimétisme est un terme qu’on entend de plus en plus, mais pouvez- vous nous dire d'où cela vient avant d’en dessiner les différentes facettes ?

Le terme « Biomimétisme » vient d’un livre de Janine Benyus, à la fin des années 90, mais l’inspiration du vivant remonte à bien avant. Il y a d’ailleurs un faux ami, car quand on parle de mimétisme, on ne veut pas dire « mimer » ou « copier », mais « s’inspirer ». C’est encore une fois une porte d’entrée vers la pensée systémique. L’idée est de  penser comme le vivant : face à telle contrainte, telle difficulté, comment ferait le vivant ? Comment aurait travaillé l’évolution ? Qu’est-ce qui aurait pu amener une piste de solution ?

Le premier niveau du biomimétisme c’est s’intéresser aux formes et aux structures. On peut citer l’effet lotus pour des structures en verre autonettoyantes. On peut citer aussi le TGV japonais inspiré du martin-pêcheur pour émettre le moins d’ondes de chocs possible : l’idée est de pouvoir pénétrer dans des tunnels sans ralentir excessivement et sans créer une onde de choc qui dérangerait les passagers du train. Gaudi a aussi fait beaucoup de biomimétisme de forme, on parle alors de biomorphisme : même s’inspirer d’un point de vue stylistique influe aussi la conception et la portance des éléments d’architecture. On dit que Gustave Eiffel s’est inspiré d’un fémur d'oiseau, constatant qu’il était surtout fait de vide et de structures légères en tension, pour concevoir le viaduc de Garabit et la Tour Eiffel. Ce sont des idées assez anciennes finalement. C’est toutefois intéressant car cela peut amener à une certaine sobriété matérielle.

Le deuxième niveau est celui des procédés. Quand on observe des structures dans le vivant, on voit parfois un résultat qui est au moins équivalent en terme de performance technique à ce que l’on peut obtenir avec nos procédés industriels, mais avec une plus grande économie de matériaux et d’énergie. La céramique de l’ormeau est aussi dure que celles qu’on utilise pour des applications aéronautiques. Or, l’ormeau produit ce matériaux à température ambiante dans l’eau de mer où les éléments sont abondants. Nous, pour faire une céramique de grade industriel, on chauffe à 1500 degrés des éléments qu’on va puiser dans le sol, auquel on incorpore des substances polluantes, etc. On n’est pas du tout sur le même bilan écologique. La toile d’araignée est aussi l’équivalent d’un Kevlar en termes de performance mécanique. Sauf que l’araignée fait sa toile avec du carbone organique qu’elle transforme à température ambiante avec un produit fini totalement recyclable. L’araignée peut manger sa toile pour en faire une autre. C’est quasiment parfait en termes d’économie circulaire !

On a eu un entretien, il y a 3 ans, avec l’architecte belge Luc Schuiten qui souhaitait développer un biobéton, inspiré des huîtres, en produisant un matériau à froid et sans émission de CO2. Alors qu’aujourd’hui, le ciment qui permet de produire le béton a des émissions de C02 énormes.

On sait faire un verre à température ambiante, à relativement petite échelle, mais ce sont quand même des voies prometteuses.

Le troisième niveau du biomimétisme, qui est à mon avis le plus intéressant, c’est s’intéresser aux écosystèmes et aux interrelations entre les espèces pour imaginer des systèmes de production agricole par exemple. Ces réflexions amènent à l’agroforesterie et à la permaculture, pour travailler sur la complémentarité des espèces et l’auto-entretien du sol par des plantes. Un autre exemple serait l’écologie industrielle et territoriale. Des acteurs d’un même bassin d’emplois vont produire pour certains des chaleurs perdues, d’autres des frigories perdues, certains produisent des boues riches en matière organique, etc… L’idée est d’en faire un écosystème pour boucler ces flux selon qui a besoin de quoi. Cela suppose un peu d’intelligence collective et une bonne gouvernance, mais on pourrait arriver à mailler les acteurs pour que les déchets des uns soient les ressources des autres.

Une ville, c’est un peu la même idée. Là où on a construit nos villes, il y avait un écosystème : un marais, une zone humide, une forêt, une prairie… Qu’est-ce qui s’y passait ? La forêt, par exemple, produisait sur place son énergie à partir de la photosynthèse, elle la stockait sous forme de biomasse, puis la redistribuait grâce à des vers, des bactéries, des insectes qui minéralisaient ces éléments et les rendaient disponibles. Même chose pour l’eau. La forêt capte l’eau sur place et la fait remonter des couches profondes grâce aux racines des arbres. Puis, par évapotranspiration, elle crée elle-même la pluie dont elle a besoin. Est-ce que la ville pourrait être capable de faire ça ? Pour le moment, la ville va chercher son eau très loin et rejette ses eaux usées très loin aussi. Toutes les activités de transformation sont bannies des villes car considérées comme trop dangereuses. Mais j’imagine que si nous pouvions faire tout cela à pression et à température ambiante, sans risque industriel, on pourrait relocaliser ces processus.

Ce qu’on observe, finalement, ce sont des systèmes hyper connectés, hyper intelligents, hyper performants, mais toujours avec une grande économie de moyens. On peut s’en inspirer pour concevoir nos propres systèmes.

Regarder le vivant et les écosystèmes pour apprendre à penser systémique. Dans l’essai Permaéconomie, tu expliquais que partager des informations dans un système devait le rendre plus efficace, non pas en termes de suroptimisation, mais en termes de réduction des pertes d’énergies et de matière.

Oui, il y a une nécessité à rendre les systèmes un peu plus intelligents et communicants pour mieux partager l’information entre clients et fournisseurs. Par exemple, on a des dizaines de typologie de plastique différents, mais après usage, tout part dans la même benne. Si on mettait un peu d’intelligence dans ce système, on pourrait allonger la durée de vie de chaque composant, par réemploi, voir à l’orienter vers la bonne filière pour le recyclage. In fine, on aurait beaucoup moins de perte de matière.

C’est un élément clé pour le développement d’écosystème de réemploi dans la ville : la connaissance de gisements, de bâtiments qui vont être déconstruits dans les prochaines années, afin de récupérer des matériaux dans la mine urbaine, plutôt que des matériaux neufs. Cela nécessite d’avoir une vision globale de ce qui se passe sur un territoire, avec un acteur qui fait une évaluation de ces gisements, mais qui trouve aussi des modes de collaboration pour échanger ces matières.

Tu as parlé des différents niveaux du biomimétisme, mais pourrait on revenir notamment sur le débat diversité versus spécialisation ? La spécialisation d’un territoire, par exemple, mène à multiplier les acteurs qui ont les mêmes besoins et où la concurrence domine. Les opportunités de collaboration sont alors faibles. Comment peut-on s’inspirer du biomimétisme pour travailler sur nos territoires, sur ces business-model qui font la ville ?

La diversité est le principe même du vivant. Cela a été acquis par coévolution, dans des interactions et des comportements sélectionnés par l’évolution. Il faut voir l’évolution comme une photocopieuse qui ferait des copies avec des milliers de pixels. A chaque fois, la photocopieuse se trompe de quelques pixels. Après des dizaines de millions de photocopies, la première et la dernière copies ne se ressemblent pas du tout. Si il y a diversité, il y a aussi possibilité de sélection et de capacité d’adaptation selon les contextes environnementaux.

Par exemple, dans une entreprise, si tous les cadres sont des hommes de 40 ans qui sortent des mêmes écoles, ils vont tous avoir le même schéma en tête. Ils vont raisonner de la même manière, et quand la crise va arriver, ils vont apporter la même réponse. Ce qui peut produire des effets d’emballement, de chute… Il faut qu’il y ait beaucoup de modalités de réponse pour qu’une soit effectivement favorable et fonctionne.

Pour parler de coopération, dans un système, on parle plutôt d’interactions à bénéfice réciproque. En effet, dans un système industriel, tout le monde a les mêmes besoins, les mêmes ressources, produit les mêmes déchets, il n’y a pas de coopération possible. Mais cette diversité n’est pas valorisée aujourd’hui. La première démarche pourrait être de l’inventorier, puis regarder comment on peut la valoriser et en tirer parti. C’est peut-être plus facile de gérer des choses homogènes et standardisées, mais quand la crise arrive, on en est que plus démuni.

La diversité est donc l’un des facteurs de la résilience quand les crises sont là. Vous êtes aussi à la manœuvre quant à la nécessité d’engager le changement, et vous parlez « d’exaptation », c’est-à-dire comment une organisation fait quelque chose de complètement différent en s’appuyant sur ces savoir-faire existants. Pouvez-vous nous expliquer la nuance entre adaptation et exaptation ?

Dans le vivant, l’adaptation est un processus de sélection qui se base sur l’apparition de nouveaux comportements ou sur l’évolution de certaines structures, certains métabolismes… On est soumis au temps de la génétique et de la reproduction qui, à l’exception des bactéries, est extrêmement lent.  L’exaptation est une sorte de bricolage astucieux où l’évolution va réutiliser des structures qui existent déjà pour en faire un usage complètement différent, parce que le contexte et les pressions évolutives vont avoir changé assez radicalement.

Stephen Jay Gould, qui était paléontologue, a inventé ce terme là avec deux références. Les plumes des oiseaux sont une exaptation d’un duvet qu’on retrouve chez beaucoup de dinosaures, ayant fonction d'isolant thermique. Quand les oiseaux se sont mis à voler, les plumes sont devenues une structure indispensable au vol. La vessie natatoire des poissons vient de certains poissons dipneustes pour lesquels elle était un organe respiratoire auxiliaire aux branchies. Par exaptation, elle est devenue un organe sensoriel permettant aux poissons de naviguer dans un milieu en trois dimensions en détectant les variations de pression de l’eau. Il y a donc eu un changement d’usage complet d’une structure préexistante.

On pourrait alors se demander : qu’est-ce qui est là aujourd’hui, dans nos villes, nos organisations et nos processus industriels qu’on pourrait exapter ? Ce qui est intéressant, c’est qu’on n’a pas forcément besoin de beaucoup d’innovations technologiques, car on ne change pas les choses, mais leurs usages. Les anciennes voies de halage, par exemple, qui servaient à attirer des péniches, ne pourraient-elles pas être des voies pénétrantes pour rentrer dans les villes à vélo ? Il existe probablement de nombreux gisements d’exaptations qui permettraient d’aller plus vite dans la transition.

Adapter la forme des bottes de paille à la construction, c’est s’appuyer sur la capacité d’un territoire à produire des matériaux. Construire la ville avec des innovations de rupture, mais en s’appuyant sur l’existant, des productions, des savoir-faire et des éléments du paysage qui sont là.

Mais ce n’est pas parce qu’on a des faits et des éléments rationnels que les acteurs se mettent à bouger. Même si on commence à être clair sur la destination, le chemin à prendre n’est pas évident et il n’y a pas de discours politique clair permettant de proposer de nouveaux imaginaires. Comment alors créer ces nouveaux récits qui donnent envie de bouger sans attendre les crises les plus violentes ?

Il y a plusieurs phénomènes qui se croisent aujourd’hui. Il y a une foi extrêmement solide dans le progrès technologique qui règlera tous les problèmes. Il y a aussi une foi quasiment illimitée dans la croissance économique censée n’apporter que des bienfaits. Or, on voit bien aujourd’hui qu’il y a décorrélation entre croissance économique et bien-être humain, mais aussi que le progrès technologique ne peut plus avoir réponse à tout, voire parfois crée de nouveaux problèmes.

Il y a aussi le mythe, qu’on doit à Descartes, d’une destinée supérieure de l’humanité à se rendre comme maître et possesseur de la nature. Ces mythes sont acquis de manière tellement inconsciente qu’il ne nous vient pas à l’idée de les remettre en cause. Mais cela évolue, car je pense que si on avait demandé à un artisan sabotier en Angleterre en 1860 ce qu’il pense de la Révolution Industrielle, il nous aurait regardé avec des yeux ronds. Cela n’a été théorisé que dans les années 1950. Peut-être que la révolution qui est en cours n’est pas théorisable, ni observable. Peut-être que dans 50 ans, on verra qu’il s’est passé quelque chose de fondamental à cette époque que nous vivons .

Ce mythe fondateur de la quête de maîtrise et de contrôle absolu est lié à l’effondrement actuel de la biodiversité. Tout ce qu’on ne maîtrise pas, on s’en méfie. Pourtant, laisser une potentialité d’évolution libre peut constituer un réservoir de possibles pour demain. Prenons l’image d’un surfeur : il ne maîtrise pas la vague, ne la contrôle pas, et pourtant il interagit avec elle et tire parti de sa puissance. Ce qu’il contrôle, se sont ses gestes et sa planche. Ce sont les techniques qu’il a mises au point pour interagir avec la vague. Peut-être que le rapport entre le vivant et l’humain, cela pourrait être cette idée : Plutôt que d’essayer de contrôler le vivant, essayons de contrôler les technologies pour mieux interagir avec lui et tirer parti de sa formidable dynamique d’évolution et d’adaptation. Il y a des choses imparfaites dans la nature, mais ce sont justement dans ces imperfections que se nichent les potentialités d’évolution.

Une révolution qui a déjà commencé, mais qui a peut-être lieu ailleurs, dans ces réservoirs de possible, qu’il convient de dénicher, de comprendre, de nourrir et d’accompagner. De nouveaux imaginaires certes imparfaits mais inspirés de la capacité de la nature à retrouver des équilibres dans le changement permanent.

Merci pour ces pistes. Auriez vous aussi des conseils de lecture pour aller plus loin ?

Si on parle d’économie, le livre de Kate Raworth, La Théorie du Donut. C’est une déconstruction de nombreux mythe, comme celui de la rationalité et de l’homo oeconomicus. C’est une réhabilitation des rôles de l’irrationnel, de l’imaginaire, des désirs.

Merci beaucoup Emmanuel Delannoy et à bientôt.

Propos recueillis par Sylvain Grisot en août 2022

Pour aller plus loin :