Un écosystème nautique à Nantes ?

Une idée, un prototype, pour repérer les éléments clef des écosystèmes et amorcer des démarches de projet, imaginant un écosystème nautique dans le quartier du Bas-Chantenay, à Nantes.

Un écosystème nautique à Nantes ?

Ceci n’est pas une étude.

Tout au plus un prototype, au mieux une graine de projet. Le premier prototype d’une méthode d’exploration des réseaux d’acteurs, un outil destiné à repérer les éléments clef des écosystèmes, capables d’amorcer des démarches de projet.

Cet outil est développé à des fins académiques (MBA Audencia), mais il lui fallait un cas pratique suffisamment concret et passionnant pour justifier sa sortie du garage.

Nous avons donc jeté notre dévolu sur une question d’actualité : existe-t-il un écosystème nautique dans la métropole nantaise, et si oui pourrait-il prendre une forme réelle dans le quartier du Bas-Chantenay ?

Voilà donc nos questions, les réponses restent partielles, puisque ceci n’est décidément pas une étude.

Pour celles et ceux qui (pensent qu’ils) n’ont pas le temps de lire les pages qui suivent, voici quelques éléments de réponse :

  • Oui il existe bien un écosystème nautique métropolitain, nous l’avons (partiellement) rencontré.
  • Il semble d’échelle relativement restreinte par rapport aux filières dominantes, mais il est très diversifié, tourné vers l’avenir et bien connecté aux autres écosystèmes métropolitains, et plus largement à d’autres territoires.
  • Les acteurs rencontrés n’ont pas exprimé de besoin réel d’animation de l’écosystème, mais cherchent à avoir plus de visibilité collective, ce qui pourrait se matérialiser par la constitution d’une polarité, un lieu, réunissant une certaine densité d’acteurs.
  • Le Bas-Chantenay serait à l’évidence le lieu de prédilection pour la constitution de cette polarité, mais celle-ci conserverait des dimensions modestes, même à terme, avec des besoins limités en infrastructures.
  • Nous avons identifié un premier groupe d’acteurs qui pourraient devenir les précurseurs de cette démarche, avec la capacité à amorcer une dynamique privée, en cohérence avec les activités existantes.
  • Une démarche de projet pourrait donc être engagée par les pouvoirs publics avec ces précurseurs, dans une logique de prototypage rapide fondée sur l’accompagnement des initiatives privées, mises en cohérence et rendues possibles par le public.

1 Méthode

/ Explorer les réseaux d’acteurs

L’objectif de la méthode mise en œuvre pour la première fois ici est de repérer les acteurs-clef au sein des réseaux d’acteurs, afin de rendre possible les démarches de changement dans le cadre de projets urbains.

La méthode est simple, et fondée sur la rencontre de celles et ceux qui font la vie des territoires (ici les entreprises du nautisme dans la métropole nantaise). Partant d’une poignée de noms, nous avons peu à peu cartographié les relations de chacun, par une exploration de proche en proche.

La cartographie permet à la fois de représenter les relations, mais aussi de les analyser, avec le repérage des acteurs au centre d’espaces de densité de relations fortes, mais aussi de ceux occupant des places de « passeurs », reliant entre eux des espaces de relations isolés.

A ce stade l’analyse reste rustique, mais elle permettra prochainement de mieux qualifier ces relations (intensité, dépendances) et de mettre en œuvre des analyses quantitatives sur la base de ces données. Nous sommes par contre preneurs de retours sur l’intérêt et les limites de cette méthode, au-delà de ses résultats.

L’ensemble de cette méthodologie sera diffusé en open-source en janvier 2017, à destination des professionnels du public ou du privé pouvant l’exploiter dans leurs projets.

/ dixit ?

dixit est une agence de projets fondée il y a un an (www.dixit.net), qui concentre son action sur l’amorçage de dynamiques de projets pour la transformation des espaces urbains existants.

Nous ne sommes ni spécialistes du développement économique, ni fins connaisseurs du territoire du Bas-Chantenay, et encore moins experts du nautisme. Ce travail s’inscrit pourtant très logiquement dans notre action :

Parce que dixit a été créé pour renouveler les méthodes du projet urbain, les rapprocher des acteurs du terrain et de leurs besoins réels, et y introduire de l’agilité.

Parce que le Bas-Chantenay est un territoire urbain en mutation qui peut être précurseur d’une urbanité renouant (enfin) avec des activités productives renouvelées, un de nos sujets de prédilection.

Parce que, comme tout jardinier en herbe, nous aimons bien semer des graines pour voir ce qui peut en germer.

/ L’outil n’est pas le projet

Nous passons beaucoup de temps à affiner les méthodes et à développer les outils mis en œuvre sur nos projets, mais nous savons aussi qu’ils ne sont pas une fin en soi, juste des moyens pour réunir les acteurs au sein d’une même dynamique de changement.

Si l’outil ne fait pas le projet, il peut cependant aider à l’amorcer dans un cadre clarifié :

La démarche systématique est un bon alibi pour provoquer les rencontres, et comprendre les enjeux réels au détour de la conversation.

La représentation graphique est un vecteur de discussion efficace, propice à l’émergence de dynamiques collectives.

L’analyse est aussi un bon moyen pour révéler les signaux faibles au-delà des tendances évidentes, et pour mettre en lumière des acteurs discrets et pourtant essentiels.

/ L’exploration de l’écosystème nautique métropolitain

Nous avons donc lancé une exploration, celle d’un écosystème (réseau d’acteurs) nautique (activités liées aux usages de loisirs de l’eau — salée ou pas).

Partant de 4 noms, nous avons cartographié les relations des acteurs entre eux pendant une période courte d’expérimentation (avril 2016), et les avons interrogés sur l’intérêt de constituer une polarité sur le Bas-Chantenay. Une démarche aux limites évidentes :

Ce travail a été explicitement présenté comme un travail de R&D mené par dixit, hors du cadre d’une quelconque commande ou d’une légitimité publique.

L’image qui en découle est incomplète, n’ayant pas rencontré tous les acteurs, et déjà obsolète, les relations entre eux évoluant tous les jours.

Les positionnements des uns et des autres quant à l’opportunité d’une implantation sur le Bas-Chantenay ne sont que des réactions à une question théorique, et non des réponses formelles à des propositions tangibles émanant d’acteurs publics légitimes.

Mais il émerge pourtant des éléments intéressants sur lesquels pourrait se bâtir une démarche de projet, donnant forme réelle à un écosystème dynamique de la métropole.


2 Exploration de l’écosystème

/ La métropole nantaise, base arrière des activités nautiques du littoral

Cette première cartographie représente l’ensemble des acteurs et des relations identifiées lors des enquêtes, les acteurs interviewés étant figurés avec un point blanc.

En bleu les acteurs du nautisme, pris dans une acceptation très large, en gris les autres acteurs.

Les points foncés représentent les organisations situées au sein de la métropole nantaise, les clairs sont plus éloignées.

Au-delà de cette cartographie, il ressort des discussions une structuration relativement « traditionnelle » de cet écosystème, fondée plutôt sur des relations clients — fournisseurs entre organisations que sur des logiques de partenariats entre personnes physiques. Ce sont cependant des relations sur du long terme et des intérêts partagés, loin de logiques de domination ou de dépendance.

La métropole nantaise apparaît clairement dans une fonction de base arrière des espaces littoraux, allant de la Rochelle à Brest (ou plus loin), assurant des fonctions de conception, service ou distribution pour les acteurs les plus proches des pratiques.

Mais Nantes est aussi considérée par beaucoup comme un marché important, avec une forte densité de pratiquants du nautisme, et un lieu stratégique d’interface avec les utilisateurs parisiens.

/ L’écosystème nautique métropolitain existe, nous l’avons rencontré

Oui, il existe bel et bien un écosystème nautique métropolitain. Les points bleus ci-contre représentent l’ensemble des acteurs du nautisme de la métropole, identifiés au cours de l’enquête. Les points gris représentent leurs partenaires locaux, hors de l’écosystème strictement nautique.

Cette cartographie reste incomplète, mais donne déjà un aperçu assez complet, qui permet d’esquisser quelques conclusions :

S’il existe bien un réseau d’acteurs identifiables sur le territoire, cet écosystème reste relativement étroit, comparativement aux autres filières bien structurées du territoire (industrielle ou numérique notamment).

Pour un écosystème nautique local, le réseau nantais est pourtant important selon les acteurs interrogés, tout à fait comparable à ceux, plus visibles, qui se déploient dans quelques villes du littoral français.

Aujourd’hui peu visible, l’écosystème nautique métropolitain n’en est pas moins bien intégré dans le tissu économique local, avec des acteurs entretenant des relations entre eux mais aussi avec les filières les plus structurées, notamment celles de l’industrie ou du numérique.

/ Un écosystème nautique métropolitain diversifié et tourné vers l’avenir

En entrant dans le détail des activités, on constate une très grande diversité dans les champs d’intervention de chacun. Le territoire accueille une très large palette d’acteurs : Conception, production, distribution, service, web, institutionnels, associations…

Des activités très largement tournées vers la distribution, la conception ou les services (numériques notamment), en cohérence avec la fonction de « base arrière » du territoire, mais aussi inscrites dans les évolutions du monde du nautisme, en transition, d’une économie de la possession vers une économie des usages. Des activités qui relèvent pleinement de fonctions métropolitaines, avec des savoir-faire tournés vers l’avenir et des capacités d’innovation réelles.

Si des acteurs institutionnels émergent, aucun ne joue pourtant réellement de rôle d’animateur de l’écosystème. Même le réseau Nina, regroupant les acteurs du numérique tournés vers les activités nautiques, ne semble pas réellement assurer cette fonction sur un champ étroit de l’écosystème.

Les échanges ne montrent toutefois pas que cette fonction d’animation manque réellement. Plus qu’une forme d’institutionnalisation, c’est de visibilité que manquent les acteurs.


3 Graine de projet

/ Des précurseurs pour amorcer la constitution d’une polarité nautique sur le Bas-Chantenay

C’est pour nous une surprise, mais nous sommes sans doute naïfs : il existe une poignée d’entrepreneurs prêts à s’engager dès maintenant dans une relocalisation de leurs activités sur le Bas-Chantenay.

Identifiés comme précurseurs dans l’illustration précédente, ils regroupent des activités de distribution (B2B et B2C), une façade commerciale et des activités tertiaires tournées vers le web. Il y a donc aujourd’hui la possibilité d’amorcer la constitution d’une polarité nautique par une unité limitée d’environ 1000 m², réunissant des acteurs disposant de capacités d’investissement, et souhaitant engager des démarches de mutualisation sur des espaces simples : espaces de petite logistique, bureaux…

La proximité d’un Chantier de l’Esclain capable de se renouveler, et la perspective d’être rejoint à terme par d’autres activités nautiques (production, réparation, distribution…) dans un espace bien identifié, à la fois urbain et pas encore aseptisé, sont des éléments de motivation clef.

Certains suivraient sans doute ces précurseurs, densifiant une polarité devenue visible, mais sans doute peu. Nous avons identifié deux ou trois acteurs significatifs potentiels, dans des champs commerciaux ou productifs, pour finaliser la constitution de ce pôle. Une polarité aux besoins en infrastructure limités à court ou moyen termes (mise à l’eau), mais donnant un visibilité réelle à un écosystème local dynamique et rendant possible des synergies fondées sur la collaboration./ Faire petit, mais faire vite

Les potentiels immédiats repérés par cette rencontre d’acteurs, les besoins de ces précurseurs, sont finalement limités. A terme, les potentiels d’extension de cette amorce de polarité potentielle restent aussi modestes, avec des besoins de fonciers, de bâtis et d’infrastructures finalement restreints à l’échelle du projet urbain.

Et si finalement cette échelle devenait une belle opportunité pour amorcer des formes d’urbanisme tactique manifestement cohérentes avec les fondamentaux du projet urbain ? Une démarche qui consisterait à amorcer vite un passage au réel de petits projets (réemploi de bâtiment existant, démarches privées), considérés comme des prototypes à échelle réduite de ce que pourrait devenir une polarité nautique. Un bon moyen pour apprendre de l’expérience, pour qualifier l’intérêt réel des acteurs, la cohérence au projet urbain, et quantifier les potentiels à terme.

Une alternative aux programmes en papier et aux projets en 3D, trop souvent si ambitieux et inscrits dans le long terme, qu’ils en oublient le présent, la réponse à des besoins réels et vivotent au stade de présentation powerpoint.

/ Travailler la conjonction des temps

Trop souvent le temps de l’entreprise est considéré comme incompatible avec celui du projet urbain. Différent, certes, mais pas incompatible.

Le temps court de l’entreprise pourrait aussi plus souvent venir nourrir le projet à long terme, permettant de tester rapidement des pistes de programmes. Un mode d’action différent des acteurs publics, positionnés uniquement comme facilitateurs sur certains espaces, et assurant la cohérence globale des transformations, tout en acceptant les surprises venant du terrain.

L’amorçage de la constitution d’une polarité nautique pourrait être une bonne opportunité pour tester ce type de démarche, le public assurant un positionnement cohérent et évolutif sur le temps long, le privé permettant un passage à l’acte rapide.

Une belle occasion aussi pour appuyer des dynamiques de soutien des entreprises entre elles.

Au-delà des équipements publics structurants type pépinières, la capacité d’acteurs bien installés à accueillir et accompagner des structures naissantes est certainement une piste efficace pour optimiser les usages de lieux ou d’équipements, mais aussi pour dynamiser et pérenniser les démarches d’entreprenariat. Restant dans les métaphores agricoles, cela reviendrait à faciliter la constitution d’oasis entrepreneuriales, générant des synergies entre grands et petits par une culture en étage.

/ Des suites à donner ?

Cette exploration n’est ni une étude, ni un programme, encore moins un projet. Par respect pour nos interlocuteurs, toutes les données présentées ne sont pas restituées ici dans leur détail (notamment le nom des acteurs), mais dixit se tient à disposition des acteurs publics pour passer le relais et amorcer le dialogue avec les « précurseurs », si c’est opportun. Nous envisageons quelques suites possibles à cette première phase d’exploration :

Un approfondissement léger de la cartographie des acteurs, permettant d’obtenir une image plus complète, un outil efficace pour les acteurs du développement économique.

L’identification de pistes de localisation pour la première (petit) brique d’une polarité nautique.

Un dialogue avec les précurseurs, permettant de préciser une programmation, en lien potentiel avec d’autres développement de filières connexes.

Et puis faire, tester, nourrir le projet, faire, tester…

Sylvain Grisot - Septembre 2016