🎁 HĂ©riter d'un futur

🎁 HĂ©riter d'un futur
Photo by Nariman Mosharrafa / Unsplash

Transformer la ville existante, c’est commencer par faire un tri dĂ©licat entre ce qui peut rester et ce qui doit disparaĂźtre. Un exercice pas simple qui nourrit des controverses Ă©piques dans le dĂ©cor feutrĂ© des comitĂ©s de pilotage ou les tribunes de la presse locale. Mais c’est surtout trop souvent l’occasion de faire deux erreurs regrettables.

La premiĂšre est de se focaliser sur les Ă©vidences et de chercher Ă  conserver tout ce qui ressemble de prĂšs ou de loin Ă  du « patrimoine », en lĂąchant ce mot qui vaut protection absolue. MĂ©moire et nostalgie se confondent vite, au risque d’oublier d’inventer un futur Ă  ce qui est lĂ  et de figer un bout de passĂ© dans une posture immobile. C'est oublier que la ville vit, bouge, change depuis toujours. C'est aussi oublier les usages d’aujourd’hui et les conditions technico-Ă©conomiques d’une transformation, pour courir le risque de l'Ă©chec.

La seconde erreur, c’est de nĂ©gliger tout le reste, tout ce qui n’est pas labĂ©lisĂ© officiellement comme « patrimoine ». L’habitude et la simplicitĂ© - l’habitude coupable de la simplicitĂ© - revient souvent Ă  ne conserver que ces points durs pour privilĂ©gier la tabula rasa pour tout le reste : le retour au sol nu par un salutaire coup de bulldozer. Combien de bĂątiments, qui n’ont pas fini leur vie ou qui pourraient en connaĂźtre une nouvelle, ont Ă©tĂ© rasĂ©s faute de s’ĂȘtre sincĂšrement posĂ© la question de leurs potentiels de transformation ? "Trop compliquĂ©", "Plus cher que le neuf", "Ne correspond plus aux attentes du marchĂ©", la liste des excuses pour ne pas se poser de questions est longue et connue. Nous y avons collectivement perdu toute cette Ă©nergie grise et ces matĂ©riaux qu’il faudra consommer Ă  nouveau pour faire du neuf, mais surtout perdu du sens. Conserver l’existant est aussi une contrainte crĂ©ative qui produit de la ville non standard en faisant germer les graines de projets dans l’existant.

Pour sortir de ce dualisme simpliste entre patrimoine Ă©ternel et dĂ©laissement, peut-ĂȘtre faut-il changer de mot ? Le terme d’hĂ©ritage est moins ambigu que celui de patrimoine : on dĂ©cide d’accepter un hĂ©ritage - ou pas -. C’est une dĂ©cision que l’on prend au prĂ©sent pour construire un futur, pas un regard nostalgique tournĂ© uniquement vers le passĂ©. En faisant un dĂ©tour par des objets singuliers du patrimoine industriel, l’entretien d’aujourd’hui avec Jean-Louis Kerouanton est particuliĂšrement Ă©clairant sur cette question :

« Quand on hĂ©rite, c’est pour en faire quelque chose. On a eu une transmission et on est lĂ  pour avancer dans l’histoire. Je n’ai personnellement pas du tout une vision nostalgique de l’hĂ©ritage. C’est ce que je dĂ©fends auprĂšs de mes Ă©tudiants : si j’hĂ©rite, c’est pour avancer. Le patrimoine est moteur de projet, pas de conservatisme. On peut continuer Ă  conserver les choses au sens propre, mais pour continuer Ă  faire sens. »

Alors oui, « faire avec » c’est sans doute accepter plus de l'hĂ©ritage de la ville existante quand elle est amenĂ©e Ă  se transformer, mĂȘme du plus banal. C’est aussi faire des choix guidĂ©s par un regard sincĂšre sur ce qui est lĂ  en oubliant les prĂ©jugĂ©s. Des choix Ă©clairĂ©s par des envies de futurs et fondĂ©s dans les traces du passĂ©. Des choix sans a priori pour accepter - ou pas - l’hĂ©ritage de la ville dĂ©jĂ  lĂ  : son bĂąti bien sĂ»r, mais aussi le vĂ©gĂ©tal, le sol, la mĂ©moire et mĂȘme ses histoires


Bonne lecture.

— Sylvain

P.S. : Plus que quelques places pour notre webinaire avec Philippe Bihouix, directeur général d'AREP et auteur de "L'ùge des low-tech", ce jeudi 4 février à 13 h !

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HĂ©riter d'un futur : L’üle de Nantes et les halles Alstom

Entretien avec Jean-Louis Kerouanton, maĂźtre de confĂ©rences Ă  l'universitĂ© de Nantes, spĂ©cialiste des questions de patrimoine industriel, mais aussi vice-prĂ©sident de cette mĂȘme universitĂ© en charge de l'immobilier universitaire. On y Ă©voque les questions de patrimoine autour d'un objet singulier : les halles Alstom sur l'Ăźle de Nantes.

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📅 Agenda.

  • On y Ă©tait : le replay du Club rĂ©gional PLUI des Pays de la Loire sur la trajectoire ZĂ©ro Artificialisation Nette est disponible ici ! On y a discutĂ© de limiter la consommation des espaces, de comment mesurer l'artificialisation, de zones d'activitĂ©s et d'agriculture urbaine en passant par la rĂ©versibilitĂ© de l'urbanisme.
  • À venir : dans le cadre des Assises de la Transition Ă©cologique organisĂ©es par OrlĂ©ans MĂ©tropole, Sylvain interviendra lors du webinaire MobilitĂ© durable : vers l'urbanisme circulaire et la ville des proximitĂ©s, le mardi 09/02 Ă  14 h.

đŸŽ™ïž Émissions. Un Grand Reportage d'AurĂ©lie Kieffer et Catherine Petillon sur la fabrique de la ville solidaire, les nouvelles coopĂ©rations entre voisins suite Ă  la crise sanitaire et la volontĂ© forte des citoyens de reprendre la main sur leurs quartiers.

🔬 À suivre. Le PUCA lance une consultation pour objectiver ce fameux exode urbain dont on a beaucoup entendu parler ces derniers mois. L'occasion de revenir aux faits et de sortir des analyses au doigt mouillĂ© ? C'est sans aucun doute nĂ©cessaire.

đŸ”„ Coup de chaud. En Australie, le rĂ©chauffement climatique risque de transformer la ville Ă©talĂ©e en vĂ©ritable enfer : point dans cet article de Bloomberg Sydney’s New Suburbs Are Too Hot for People to Live. LĂ -bas aussi, il va falloir changer de modĂšle de dĂ©veloppement, peut-ĂȘtre mĂȘme plus vite qu’ailleurs.

😏 Fun. En Ecosse, les chasse neige ont tous un nom. Et pas n’importe lequel.

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