Le covoiturage via BlaBlaCar, une infrastructure invisible dans la ville

La plateforme BlaBlaCar est devenue l’acteur majeur du covoiturage occasionnel organisé en France. Cette planche cherche à rendre visibles et à quantifier les nouveaux usages de la ville générés par le covoiturage, pour en saisir l’importance et les impacts sur l’espace urbain.

Le covoiturage via BlaBlaCar, une infrastructure invisible dans la ville

En quelques années, la plateforme BlaBlaCar est devenue l’acteur majeur du covoiturage occasionnel organisé en France. Toutefois, cette activité ne disposant pas, sauf exceptions, d’infrastructures dédiées en milieu urbain, cette planche cherche à rendre visibles et à quantifier les nouveaux usages de la ville générés par le covoiturage, pour en saisir l’importance et les impacts sur l’espace urbain.

Comprendre la présence du covoiturage longue distance dans la ville

Lancée en 2006, la plateforme de covoiturage BlaBlaCar domine très largement le marché du covoiturage occasionnel organisé. Elle permet la mise en relation entre des conducteurs disposant de places libres dans leur voiture pour un trajet, avec des passagers désireux d'effectuer le même déplacement contre le paiement d’une partie des frais. La plateforme favorise essentiellement des trajets occasionnels entre villes, avec des volumes d’usage très importants puisqu’elle revendique par exemple 315 000 passages à Nantes pendant l’été 2019. Ces usages ne bénéficient toutefois que très rarement d’infrastructures (aires de rencontre) dédiées au sein de l’espace public, qui les rendraient visibles et permettraient de les organiser et de les favoriser.

Quelle ampleur du covoiturage Blablacar à Nantes ?

BlaBlaCar propose un accès contrôlé à certaines données de la plateforme qui permettent par exemple d’analyser la localisation des lieux de départ et d’arrivée et les heures de départ. Ces données sont toutefois partielles (le détail des trajets complets n’étant pas disponible) et leur fiabilité ne peut être vérifiée, mais elles permettent cependant d'appréhender le covoiturage occasionnel organisé. Une série d’informations sur les trajets proposés au départ et à destination de Nantes Métropole ont été collectées, ainsi que le nombre de trajets complets sur une période arbitraire d’une semaine (12 au 19 juillet 2019), afin d’évaluer l’importance de cette nouvelle forme de mobilité.

Sur cette période de huit jours, on dénombre 18 358 trajets ayant transité par Nantes, soit en moyenne 2 295 voitures embarquant ou débarquant des passagers par jour (figure 1). En retenant l’hypothèse prudente de 2,5 passagers transportés en moyenne en plus du conducteur par trajet (la plateforme en revendique 2,9), cela représente donc une capacité de transport quotidienne d’environ 5 700 sièges au départ ou à l’arrivée de Nantes. C’est l’équivalent de 45 mouvements d’Airbus A319, soit un tiers du trafic aérien quotidien moyen de l’aéroport Nantes Atlantique, mais sans piste ni aérogare. Une pratique importante donc, mais discrète et sans infrastructure spécifique.  

FIGURE 1 – UNE SEMAINE DE BLABLACAR À NANTES (SEMAINE DU 12 AU 19 JUILET 2019)

Une pratique du covoiturage concentrée autour des pôles d'intermodalité

La cartographie des lieux de récupération et de dépose des passagers permet d’appréhender les pratiques de covoiturage d’un point de vue géographique. L’analyse de ces lieux est une piste pertinente à explorer dans une optique de compréhension des pratiques de covoiturage au sein de Nantes Métropole, tant au niveau de la distribution que de la concentration spatiale de ces lieux (figure 2).

FIGURE 2 – DES TRAJETS PLUS NOMBREUX LE WEEKEND ?

La carte révèle une nette concentration des pratiques de covoiturage autour de hubs, des pôles d’intermodalité assurant l’interface entre le réseau de transport en commun et les principaux axes routiers. La pratique intermodale associant l’usage du covoiturage avec les transports en commun, déjà constatée à l’échelle nationale, est donc ici confirmée dans le cas nantais par la place prépondérante occupée par les pôles d’échanges desservis par le tramway et les bus. Les exemples du Cardo, d’Atlantis, de la Beaujoire ou d’Haluchère renvoient à la configuration « classique » des lieux de covoiturage occasionnels. Localisés en périphérie et articulés autour d’une proximité immédiate à la rocade et une desserte par le tramway, ces lieux sont les plus utilisés par les membres de Blablacar. Quant à Pirmil, il s’agit d’un autre type de lieux privilégié par les covoitureurs : situé en ville, il se caractérise par une bonne desserte en transport en commun et une accessibilité rapide aux grands axes routiers. La gare ferroviaire et l’aéroport constituent en complément des lieux de pratique secondaires, avec une intermodalité longue distance qui vient confirmer le caractère régional de ces infrastructures de transport, desservant des populations au-delà de la métropole via le covoiturage.

Organiser et optimiser la pratique du covoiturage dans la ville  

La pratique du covoiturage longue distance n’est donc ni quantitativement négligeable ni diffuse au sein de la ville de Nantes. L’analyse des données permet au contraire de démontrer que c’est une pratique importante et très concentrée autour de certaines zones. L'organisation et l’optimisation de ces nouvelles pratiques de mobilités apparaît à la fois possible mais surtout nécessaire du côté des acteurs publics.

La densité des pratiques de covoiturage en des lieux précis et sur des temporalités spécifiques a en effet un impact significatif sur la pratique de l’espace public, avec des conflits d’usage aux heures les plus denses sur ces lieux déjà très fréquentés. Les premières aires dédiées au covoiturage occasionnels réalisés par Nantes Métropole n’ont manifestement pas permis de structurer les pratiques de façon satisfaisante. Au vu de l’importance qu’a pris le covoiturage en quelques années, une meilleure connaissance et un accompagnement du développement de cette pratique par des aménagements plus nombreux, adaptés, visibles et mieux conçus devient plus que jamais nécessaire.

Boris Mericskay & Sylvain Grisot · Novembre 2019