La ville sous nos pieds regorge d’espaces et de temps disponibles. L’urbanisme transitoire fouille les interstices de nos villes pour les dénicher et y déployer de nouveaux usages. Dans les friches industrielles d’abord, ces fleurons délaissés du cœur de nos villes qui ont longtemps été les porte-étendards de cet urbanisme pas tout à fait comme les autres. Puis, dans les équipements publics frappés en grand nombre par l’obsolescence. Les bureaux vides et les centres commerciaux sont désormais le quotidien de l’urbanisme transitoire. À quand les grandes tours de la Défense vidées de leur substance par une subite addiction au télétravail ?

La recette est désormais connue, même si elle doit s’adapter aux ingrédients locaux. C’est la valorisation des temps courts de la ville, qui se comptent en mois ou en années, quand le projet urbain s’attarde sur les décennies. Ces mois ou ces années où nombre de bâtiments attendent d’être réhabilités ou déconstruits, et pendant lesquels ils peuvent encore servir si l’on s’en donne les moyens. Servir à des besoins qui sinon se déploieraient ailleurs, nécessitant de construire. Servir à des usages qui sinon ne trouveraient pas de place dans la ville. Servir enfin aux urgences, en répondant aux besoins de solidarité et de résilience. L’urbanisme transitoire permet de loger, nourrir, créer, fabriquer en aménageant et en organisant ces espaces vides. Des espaces qui ne servent plus à rien, et qui peuvent donc servir à tout.

L’effet de mode est bel et bien passé, et ils sont toujours là. Au-delà des seules métropoles, les acteurs de l’urbanisme transitoire s’infiltrent dans nos villes moyennes, trouvent leur place dans des bâtiments comme des espaces ouverts. Parfois juste pour passer le temps, souvent pour tester des usages neufs, et de plus en plus pour bâtir le projet lui-même. Le temps court inspire le temps long de la ville et fait projet, en créant au passage de nouveaux métiers et en transformant les pratiques d’autres acteurs — les aménageurs au premier chef.

Mais cette nouvelle légitimité ne doit pas banaliser l’approche. Au moment où nos villes doivent muter pour répondre aux enjeux du siècle, les leçons de l’urbanisme transitoire doivent interroger notre façon de faire la ville bien au-delà de ses marges. Ce n’est plus d’un accompagnement éclairé de la transition d’un lieu dont nous avons besoin, mais d’une transition globale de nos espaces urbains. On peut désormais attendre de ses modes d’action souples, progressifs et opportunistes plus que de peupler les temps ou les espaces en marge. La transition d’un modèle de développement urbain structuré sur la construction neuve en périphérie ou des grandes opérations urbaines, vers une ville adaptative, capable de s’adapter en continu à nos besoins, peut s’inspirer de ce modèle.

Et si l’on passait d’un urbanisme transitoire à un urbanisme de la transition ?

— Sylvain

PS : Avec Frédérique, nous sommes ravis d’accueillir pour quelques mois de stage Marine Frantz, que vous retrouverez prochainement dans ces colonnes. Pas la peine de vous rappeler pourquoi ces temps sont importants pour les étudiants, mais surtout pour nos organisations : d’autres l’ont déjà parfaitement expliqué ailleurs.

Entretien · L'urbanisme transitoire à la sauce lilloise

Juliane Schulz, de l'Agence de Développement et d'Urbanisme de Lille Métropole, est spécialisée sur l’étude des espaces vacants et l'urbanisme transitoire. Ensemble, nous avons parlé de projets nomades, des facilitateurs urbains et du rôle des collectivités dans ces nouveaux usages.

Ouverture · Lire, écouter, rencontrer, voir...

📅 Agenda.

• Retrouvez dans la série des circuits de l'économie circulaire, un webinaire focalisé sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville, le 29 avril à 14h. (ADEME)
• Webinaire sur la ville productive le mercredi 12 mai à 8h45 : Pourquoi et comment renouveler les zones d’activités économiques ? (PUCA)

🎙️ Podcast. L'Ecole Urbaine de Lyon sort encore un sujet très intéressant avec ce podcast sur "Le corps des villes", en analogie au corps humain. (Les Mercredis de l'Anthropocène)

👾 Occupation temporaire. A Paris, dans le 15ème arrondissement, Novaxia met à disposition le rez-de-chaussée de son siège social afin de créer un lieu dédié à l’innovation pour casser les murs entre les bureaux et la ville. Vous n'avez plus qu'à candidater. (Novaxia)

📖 A lire. Ouf c’est Parkinson ! Un petit livre qui n’a rien à voir avec les questions urbaines ? Peut-être, mais David Marie était aussi un faiseur de villes, croisé avec plaisir il y a quelques années. Il signe un récit fluide et parfois poignant de l’arrivée de la maladie avant même la quarantaine. Un récit largement teinté d’espoir avec cette renaissance et le début de sa seconde vie. On attend la suite. (BOD)

🔀 Urbanisme transitoire : entre bénéfices et risques. Parallèle intéressant entre le phénomène, encore récent, d'urbanisme transitoire et les quartiers politiques de la ville, datant déjà des années 80. L'axe rénovation urbaine pris par les politiques publiques se révèlent souvent très insuffisant pour transformer les quartiers et en faire "des lieux de vie appropriables". C'est là que l'urbanisme transitoire joue son rôle, notamment à Marseille : préfigurer des aménagements pour rêver son quartier. Mais le couteau est à double tranchant : en changeant l'image du quartier, le risque est toujours de favoriser l'entre-soi et la gentrification. Une des méthodes utilisées pour contrer ces effets est de s'appuyer fortement sur l'écosystème local, en donnant plus de pouvoir aux habitants et aux acteurs locaux. A voir si cela sera suffisant pour préserver la diversité de ces quartiers. (Demain la ville)

⏳ Bureau des temps. Entretien avec Catherine Dameron, responsable du Bureau des Temps à Rennes. Elle nous rappelle que gérer son temps est un enjeu de pouvoir, mais aussi qu'il est la quatrième dimension de l'aménagement : "Le temps donne à lire les usages dans la ville et leur évolution." En plus de cet entretien, on ne peut que vous conseiller de lire aussi la revue en entier. (Sur Mesure)

⏱️ Replay 1. Cette newsletter est aussi l’occasion de revenir sur cet échange avec Paul Citron de Plateau Urbain, qui a largement mérité sa place au cœur du Manifeste. (dixit.net)

🔃 Replay 2. Cette semaine, on vous propose de (re)découvrir Les Habiterres, dans la série des récits "futurs positifs". N'hésitez pas à donner votre avis sur le récit ! (dixit.net)

dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons dans notre newsletter les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment :