Bâtiments fertiles

Balade fertile avec « Merci Raymond ». Quel avenir pour l'agriculture urbaine, quelle volonté pédagogique, mais surtout quels besoins pour répondre aux enjeux nourriciers ? On en discute avec Guillaume Hadjigeorgiori.

Bâtiments fertiles

Merci Raymond, un petit nom qui sonne bien, et qui nous rappelle sûrement notre grand-père avec sa casquette et sa salopette, son arrosoir dans la main. Pourtant Merci Raymond n'est pas une association de quartier de potagers participatifs, mais bien une entreprise d'une cinquantaine de salariés spécialisée en agriculture urbaine et en végétalisation des villes. Impulsée il y a 6 ans par Hugo Meunier puis Antoine Baume, Mathilde Schiettecatte et Guillaume Hadjigeorgiori. C'est avec ce dernier que j'ai échangé pour comprendre les activités de cette organisation déjà bien renommée.

D'une petite idée, Merci Raymond est maintenant une entreprise bien installée avec cinq grands pôles d'activité : trois pôles études en agriculture urbaine, paysage et design végétal ; un pôle d'installation, de gestion d'équipe chantier ; et un pôle d'entretien et d'animation des espaces. Les profils des équipes sont donc assez divers, avec des agronomes, des ébénistes, des menuisiers, etc... Une telle diversité permet à la structure de réaliser une part importante de projet complexe en interne.

Ces équipes, et de nombreux partenaires, on va le voir, développent principalement deux typologies de projet : le bâtiment fertile, c'est à dire produire dans l'espace du bâti lui-même, et les fermes installées en périurbain.

Guillaume Hadjigeorgiori me raconte tout d'abord leur projet "l'Antenne", un bâtiment fertile développé en 2019, dans le 11ème arrondissement de Paris. Pour la petite histoire, il s'agissait d'un espace de coworking où les premiers membres de Merci Raymond avaient installé leurs locaux. Une mission dans leur propre espace de travail donc. Un bâtiment qui nécessitait de repenser l'ensemble de son aménagement intérieur, mais aussi d'amener de nouveaux usages, voire de les intensifier dans les espaces "vides", comme le toit. Que cela ne tienne, c'est le moment pour Merci Raymond de végétaliser l'intérieur du bâtiment, mais surtout d'aménager un espace paysager et productif sur la toiture-terrasse, et d'exploiter un restaurant au rez-de-chaussée de l'immeuble. Le toit-potager est créé avec pour objectif de fournir le restaurant en aromate et en fleurs comestibles.

Ce qui est intéressant dans ce projet, c'est que nous avons pu travailler avec les acteurs privés internes au bâtiment, c'est à dire les entreprises qui louaient les surfaces, mais aussi avec la collectivité et des réseaux associatifs. Cela nous a permis de créer des potagers sur des places de parking avec la ville de Paris et de faire vivre l'espace dans le quartier. On a aussi pu mobiliser un système d'acteurs, comme Agricool pour fournir le restaurant en fraises, la Caverne pour les champignons et Poiscaille pour les poissons.

— Guillaume Hadjigeorgiori

Travailler avec de nombreux acteurs est un parti-pris de Merci Raymond afin de pouvoir proposer des projets complets.

L’Antenne. Crédit : Merci Raymond

Si l'agriculture urbaine a un rôle pédagogique certain, il va sans dire qu'elle ne sera pas suffisante pour nourrir la ville, ni aujourd'hui ni demain. La production permise par ces bâtiments dits fertiles reste limitée et autonomise des espaces de restauration seulement dans une gamme d'aromates, de fleurs ou de petits fruits. Pour le reste de la production, il nous faut aller chercher plus loin. C'est bien l'idée de Merci Raymond en développant des fermes périurbaines.

Ce n'est pas l'agriculture urbaine qui pourra nourrir les villes de demain. C'est la raison pour laquelle on s'intéresse à des projets en périurbain, avec des sites qui ont plus de surface pour alimenter durablement les citadins. De plus, produire sur de petites surfaces coûte cher. La vente des fruits et des légumes qui poussent en toiture en ville rapporte moins que les frais d'exploitation des espaces. Sauf quand on investit massivement dans le high-tech ou les technologies type hydroponie. Mais pas quand on reste en low-tech.

— Guillaume Hadjigeorgiori

C'est à Châtenay-Malabry, à quelques kilomètres de Paris, que Merci Raymond développe une ferme d'un hectare, sur un terrain mis à disposition par la mairie. Autour, une ancienne centrale où un gros projet de promotion immobilière s'implante. Par cette mise à disposition, l'entreprise s'engage à fournir l'école primaire pour la rendre totalement autonome d'autres flux et à ouvrir le lieu pour des moments de formations et d'événements publics. Ce sera aussi l'occasion de tester une meilleure rentabilité économique avec la possibilité de salarier un maraîcher en local.

Le Relais. Crédit : Merci Raymond

Après plus de 600 projets divers et variés réalisés en 6 ans, Guillaume Hadjigeorgiori m'explique qu'un des enseignements majeurs que l'équipe a appris au fil des missions est l'importance d'impliquer le plus en amont possible la collectivité et les habitants. Cela permet de définir ensemble le projet, d'imaginer ce que pourrait être une ferme (péri)urbaine, ce que qu'on a envie d'y trouver... Le projet est alors mieux approprié et sont impact plus important.

Frédérique Triballeau · dixit.net · Mars 2022

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