đ„ La France sous nos yeux
Nous avons pour habitude de classer nos territoires par taille. Paris dâabord, toujours, puis du plus grand au plus petit. Il y a cette poignĂ©e de mĂ©tropoles qui concentrent le dĂ©veloppement, mais qui dĂ©sormais nâen veulent plus. Puis les villes moyennes qui reprennent manifestement du poil de la bĂȘte. Le pĂ©riurbain ensuite, qui souvent se rĂȘve en espace rural, qui ferme le rang.
Tout cela est parfait pour monter des associations dâĂ©lus et Ă©laborer des politiques publiques bien rangĂ©es par catĂ©gories, mais beaucoup moins pour comprendre les dynamiques territoriales du pays. Car au cĆur de chaque catĂ©gorie, la diversitĂ© est immense, Ă en rendre ce classement inopĂ©rant. Entre la mĂ©tropole en dĂ©crochage et celle qui surfe sur la vague numĂ©rique, quoi de commun si ce nâest les donnĂ©es de lâINSEEâ? OĂč est localisĂ©e la ville moyenne-moyenne quand certaines bĂ©nĂ©ficient dâune accessibilitĂ© parfaite et dâautres dâun parfait isolementâ? Comment penser et repenser le pĂ©riurbain comme un ensemble homogĂšne, quand on constate lâĂ©tendue de ses disparitĂ©sâ?
Dans La France sous nos yeuxâ Jean-Laurent Cassely et JĂ©rĂŽme Fourquet multiplient les pas de cĂŽtĂ© pour Ă©clairer notre pays dâune sĂ©rie de regards de biais, nourris notamment de donnĂ©es inexploitĂ©es savamment dĂ©nichĂ©es dans des coins inexplorĂ©s de lâopen-data. Ils remettent au goĂ»t du jour nos catĂ©gories Ă©puisĂ©es en changeant de lunette, par un subtil croisement de statistiques de visites de WikipĂ©dia et des images reflĂ©tĂ©es dans les mĂ©dias, avec une attention portĂ©e non pas au nombre dâhabitants, mais au dĂ©sir :
Dans cette course Ă la dĂ©sirabilitĂ©, tous les territoires ne disposent donc pas des mĂȘmes atouts. Ă lâombre de la France «âtriple Aâ», composĂ©e des villes touristiques, des bords de mer et des montagnes, des territoires entiers restent dans lâanonymat. Banlieues, couronnes pĂ©riurbaines, zones rurales sans cachet ou Ă©loignĂ©es des sites remarquables constituent cette France backstage. Celle-ci nâest pas glamour, mais elle remplit des fonctions trĂšs utiles. Câest ici que se loge une bonne partie de la population active modeste, câest ici que ce qui reste dâactivitĂ©s industrielles et agricoles est implantĂ©, câest par lĂ Ă©galement que transite la majeure partie des flux logistiques du pays. Les zones les plus attractives captent, elles, lâattention et la lumiĂšre, tels des artistes en reprĂ©sentation. Mais comme au thĂ©Ăątre, la piĂšce, pour ĂȘtre jouĂ©e, suppose le travail moins Ă©tincelant et moins valorisant accompli en coulisses, câest-Ă -dire dans la France backstage.
Ce nâest quâune des facettes explorĂ©es par cet ouvrage Ă part, aussi dense que parfaitement lisible, peuplĂ© de cartographies, donnĂ©es, rĂ©cit de reportages ou analyses politiques. Des Ă©clats de France qui donnent une autre lecture de notre pays et de ses dynamiques, et qui posent plus de questions quâils nâimposent de rĂ©ponse. Et câest sans doute ça une des grandes forces de cet ouvrage.
â Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)
Câest avec Jean-Laurent Cassely que lâon a rendez-vous aujourdâhui, Ă lâinvitation de la revue Place Publique et de lâinstitut KervĂ©gan. Il est journaliste et essayiste, tournĂ© vers les modes de vie et les questions territoriales. Il a notamment signĂ© en 2021 avec JĂ©rĂŽme Fourquet La France sous nos yeux, qui vient de paraitre en poche.
đïž Emission. PlongĂ©e historique dans nos rues, thĂ©Ăątre de toutes les actions collectives, et espace que lâon sâarrache, aujourdâhui entre les livreurs, les terrasses de cafĂ© et les dĂ©placements en tout genre. Mais apparemment, cela fait dĂ©jĂ quelque temps que câest un espace largement disputĂ©. Lâoccasion aussi de redĂ©couvrir notre entretien avec Isabelle Baraud-Serfaty sur le trottoir comme espace protĂ©gĂ©. (France Culture)
đ Schizotopie. Le dehors entre dans le dedans, par la radio, la tĂ©lĂ©vision, et bien sĂ»r, par le smartphone. Ces Ă©lĂ©ments feraient des nous des âdividus, scindĂ©s en deux espaces disjointsâ. Ătre Ă la fois nomades et sĂ©dentaires, car toujours connectĂ©s, malgrĂ© les balades et les dĂ©placements, avec des objets qui font leur chez eux. Par exemple, ĂȘtre chez soi, dans sa musique, en marchant dans lâespace public. Oui, câest un peu philo, mais ça ne fait pas de mal un peu de jus de cerveau ! (Topophile)
đČFresque. AprĂšs la fresque du Climat, celle de la Construction, ou celle de la Ville, voici la fresque de lâartificialisation des sols, dĂ©veloppĂ©e par la Fabrique de la citĂ©. Encore une nouvelle maniĂšre ludique, intelligente et crĂ©ative de prendre conscience des enjeux de la fabrique des territoires ! (RecrĂ©ation)
đ RĂ©versible. SynthĂšse dâun projet de recherche sur lâurbanisme rĂ©versible Ă des fins Ă©cologiques dans les espaces interstitiels. Vous y trouverez aussi un rĂ©fĂ©rentiel avec des Ă©tudes de cas pour comprendre le dĂ©fi architectural de la rĂ©versibilitĂ©, mais aussi tous les petits dĂ©tails techniques et juridiques Ă avoir en tĂȘte. Beaucoup Ă retenir, mais pour des projets bien plus intelligents ! (ADEME)
đ Les rĂ©voltes du ciel, une histoire du changement climatique XVe-XXe siĂšcle, de Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher (Seuil, 2020) Si depuis quelques annĂ©es, on commence (enfin) Ă parler du changement climatique, cela nous apparaĂźt comme une problĂ©matique nouvelle. Comme si le climat avait toujours Ă©tĂ© inĂ©branlable, inoffensif, bref que rien nâavait jamais bougĂ©. Ce qui pourrait dâailleurs expliquer notre sidĂ©ration actuelle. Pourtant, les dĂ©couvertes climatiques et les sciences qui lui sont associĂ©es sont bien plus anciennes. Les humains se prĂ©occupent depuis longtemps du climat, pour expliquer des hivers rudes, des saisons de pluie, mais aussi pour sâen servir lors de lâexpansion coloniale europĂ©enne. En France, en particulier, nos politiques forestiĂšres sont trĂšs liĂ©es Ă nos connaissances du climat et de ses variations. On sâen est pourtant dĂ©tachĂ© Ă lâaube du XXĂšme siĂšcle :
En somme, au moment prĂ©cis oĂč les sociĂ©tĂ©s occidentales rĂ©duisent leur vulnĂ©rabilitĂ©, de nouveaux ordres explicatifs court-circuitent le climat et renforcent ce sentiment, confortable et passager, de dĂ©tachement quâon appelle parfois la modernitĂ©.
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