🏭 À Genève, les terrains industriels ont leur fondation
Depuis un bon demi-siècle, la fabrique de la ville se consacre assidûment à une noble tâche : produire du foncier économique pour créer des emplois. Cela consiste à manger de la terre agricole — souvent la meilleure — pour aménager des zones d’activité un peu partout sur le territoire. Point d’inquiétude, il y a de la place. Enfin c’est ce que l’on croyait. Mais si notre machine à faire la ville est attentive aux premiers âges de ces espaces, elle est aussi singulièrement négligente ensuite. Le transfert des zones d’activités aux intercommunalités en 2017, suite à la loi NOTRe, a montré combien ces espaces avaient été négligés : espaces publics dégradés, absence de services, parcelles jamais commercialisées, bâtiments sous-utilisés, friches, surfaces engazonnées désespérément vides, parkings surdimensionnés… Mais cela n’a pas calmé l’ogre, qui continue de dévorer les sols qui nous nourrissent sous couvert de « oui, mais les emplois ! ».
Autres lieux, autres mœurs. Coincé entre le lac, les montages et la frontière, à Genève, le sol pour les activités productives est une denrée rare depuis longtemps. C’est d’autant plus vrai dans un pays qui protège ses meilleures terres pour s’assurer de sa sécurité alimentaire quoi qu’il arrive. Et quand on prend conscience du caractère limité de la ressource, on se donne les moyens de bien la gérer.
Ces terrains industriels sont peut-être moins attrayants que ceux de l’ONU ou du secteur bancaire, mais ils méritent bien une fondation. La Fondation pour les terrains industriels de Genève (FTI) est à la fois l’aménageur et le gestionnaire de plus de la moitié des espaces productifs du canton, mais aussi le propriétaire d’une part significative de ces sols et même de certains bâtiments. C’est donc un acteur qui s’inscrit dans le temps long, en mesure de valoriser ces espaces par leur adaptation en continu aux besoins de la production, tout en s’assurant que les activités productives ont toute leur place dans la ville. C’est donc un acteur clef de l’urbanisme circulaire qui veille au destin des sols, mais aussi un vrai levier de développement de l’économie circulaire qui rend possible de développement de synergies entre des acteurs qu’il connaît bien.
Quelle est la clef de tout cela ? La prise de conscience précoce que les ressources en sol sont finies, que les dynamiques du marché mènent inexorablement à l’éviction des fonctions productives hors de la ville, et qu’il faut mettre en place des acteurs légitimes et puissants pour garder un œil attentif sur le temps long de la ville. Un sol rare, une vocation à préserver et un acteur pour y veiller dans la durée. La recette peut se déployer ailleurs, et s’appliquer à d’autres usages essentiels. Nous verrons prochainement comment l’idée est en train de passer les frontières helvétiques.
— Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)
PS : "Lotissement, bureau, centre commercial, vers la fin d’un modèle ? », c’est l'intitulé de la conférence de Jean-Laurent Cassely organisée dans le cadre du projet de la Grande Porte des Alpes, que j’aurais le plaisir d’animer mercredi 18 janvier à 18h30 à Strates Design de Lyon.
🗓️ 27 janvier. Rencontres à Saint-Brieuc-de-Mauron pour une journée spéciale SCoT et ZAN : quel avenir pour habiter et travailler dans les bourgs ruraux ? Quels rôles des communes rurales pour répondre aux enjeux des transitions écologique, sociale et énergétique ? (BRUDED)
💌 Newsletter. Entretien de Sylvain pour Biens Urbains. L’occasion de découvrir cette newsletter bimensuelle qui concentre son attention sur les solutions de la transition urbaine. Vous pourrez aussi lire quelques autres numéros en vous inscrivant sur ce lien. (Biens Urbains)
🛖 Maisons recyclées. Des maisons inhabitées, et pourtant si belles, si bien conçues pour s’adapter, mais qui ne sont plus localisées au bon endroit ? Que cela ne tienne, un architecte Japonais, Osawa, décide de les restaurer pour certaines, de les déplacer pour d’autres dans des villes où elles seront habitées. Sur les spécificités du Japon concernant le logement, vous pouvez retrouver notre article sur la flexibilité du logement, parfois extrême. (Bloomberg)
💬 Mots militants. Nous naviguons entre des mots bien connus, bien répétés, qui paraissent aller de soit : efficacité, austérité, individualité, compétition… Mais leur répétition incessante limite notre imagination et notre vocabulaire. Vivre la tête dans le présent, dans le guidon, nous empêche d’imaginer d’autres alternatives sociétales. Les transformer et les enrichir serait elle une façon de questionner le statu quo ? En regardant plus loin que les ruines de l’Anthropocène, des alliances inattendues pourraient émerger par le langage : l’interdépendance, le doute, les valeurs du soin, la résurgence écologique, la coopération… Ceci est un appel à un tournant collectif dans notre vocabulaire comme fer de lance de changement de la pluralité des mondes sur la terre. In English. (Civic Square)
I dream of just, equitable and regenerative worlds. My belief is that many others want the same. It is also my hypothesis that hope is not a naive affair; persisting in hope is part of our active resistance.
📖 Mémo sur la nouvelle classe écologique, de Bruno Latour et Nikolaj Schultz (Les empêcheurs de tourner en rond, 2022) Voici une très courte note avec tous les points à améliorer (on ne vous cache pas qu’il y a en a quand même 75 !) pour que l’écologie soit autant prise au sérieux qu’ont pu l’être le mouvement ouvrier et le socialisme à la belle époque. Alors que les partis écolo se retroussent les manches (ainsi que leurs électeur.ices, hein), il y a du boulot. D’autant qu’il y a urgence. Mais les lignes bougent, partout, si on sait écouter le mouvement des vagues. Heureusement, cet essai n’est pas moralisateur pour un sous : on sent même une vraie envie des auteurs de voir émerger une “classe écologique fière d’elle-même”:
Si elle veut exister, l’écologie politique ne doit pas se laisser définir par d’autres et doit détecter, par elle-même et pour elle-même, les nouvelles sources d’injustices et les nouveaux fronts de lutte qu’elle a repéré. (…) Parler de la nature, ce n’est pas signer un traité de paix, c’est reconnaître l’existence d’une multitude de conflits sur tous les sujets possibles de l’existence quotidienne.
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