đ Une ville dense ET dĂ©sirable ?
Ăa fait partie de ces nĆuds, de ces dilemmes, quâil nous faut arriver Ă dĂ©nouer pour avancer. La ville peut-elle ĂȘtre Ă la fois dense et dĂ©sirableâ? Il y a dâun cĂŽtĂ© lâinjonction Ă la densitĂ©, justifiĂ©e par les impacts Ă©cologiques de lâĂ©talement urbain, qui sâimpose souvent comme une Ă©vidence dans la bouche de celles et de ceux qui font la ville, mais peine Ă convaincre. De lâautre, on retrouve le discours bien rodĂ© de lâimmobilisme qui se saisit des mĂȘmes enjeux Ă©cologiques pour figer la ville et repousser Ă plus loin la rĂ©ponse Ă nos besoins. Alors on cherche la voie mĂ©diane, la prĂ©servation de ce qui doit vraiment lâĂȘtre, tout en rĂ©pondant aux besoins essentiels. Mais le compromis est souvent bancal et ne satisfait personne.
Il nây a pourtant pas Ă tergiverser : densifier la ville existante plutĂŽt que lâĂ©taler permet dâĂ©viter de consommer des sols agricoles, de limiter les dĂ©placements carbonĂ©s et dâautres impacts dĂ©lĂ©tĂšres. Mais la densitĂ© ne peut ĂȘtre la solution Ă tout, partout, et tout le temps, vient un moment oĂč trop de bĂąti tue la ville. Câest un dialogue complexe entre contexte urbain, richesses Ă©cologiques, attachements lĂ©gitimes, intĂ©rĂȘts inavouables et des façons plus ou moins heureuses de mener la densification du tissu existant.
Sans doute faut-il revoir les termes du dĂ©bat. La question nâest pas dâĂȘtre pour ou contre la densitĂ©, mais de sâentendre sur les besoins existants, la nĂ©cessitĂ© de construire pour y rĂ©pondre et lâopportunitĂ© de le faire ici et maintenant. Reste aussi Ă sâaccorder sur le fait que tous les vides nâont pas vocation Ă ĂȘtre systĂ©matiquement comblĂ©s, et que dâautres besoins que le bĂąti sont aussi lĂ©gitime, comme les espaces de rencontre, dâaccueil de la biodiversitĂ© ou de production alimentaire.
Il y a donc nĂ©cessitĂ© dâengager localement un vrai dĂ©bat sur lâusage des sols de la ville dense, la concurrence entre les usages humains et non-humains et la lĂ©gitimitĂ© de sa densification. Et si on faisait le pari que la densification de la ville peut ĂȘtre un moyen de la rendre dĂ©sirableâ? Câest le sens de ce que nous avons proposĂ© avec Christine Leconte dans RĂ©parons la villeâ!, en associant systĂ©matiquement densitĂ© bĂątie Ă la densitĂ© de nature. Les besoins de rĂ©silience de nos villes aux coups de chaud comme aux fortes pluies nous imposent de dĂ©simpermĂ©abiliser les sols et d'y planter massivement une nouvelle canopĂ©e urbaine. Tout acte de densification devrait donc dĂ©sormais sâaccompagner de lâadaptation du moindre espace ouvert, Ă commencer par lâespace public. Il va falloir exploiter les moindres coins libres, mais aussi faire de la place, que la voiture devra libĂ©rer pour vĂ©gĂ©taliser. La tache est immense et urgente, car tout cela prendra du temps. Mais elle aura aussi un co-bĂ©nĂ©fice essentiel : celui de faire une ville qui donne envie dâĂȘtre vĂ©cue, Ă la fois dense en usage et en nature, et donc Ă©minemment dĂ©sirable.
â Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)
PS : Retrouvez le replay de l'émission Le Monde en Face sur France 5 : Comment faire reculer le béton ? Avec l'intervention de Sylvain. (France TV)
C'est l'un de ces dilemmes qu'il nous faut rĂ©soudre pour progresser. Peut-on crĂ©er une ville Ă la fois dense et dĂ©sirableâ? C'est le pari de la publication de l'ADEME autour de la ville 3D, pour « dense, durable et dĂ©sirable ». On en parle avec Anne Lefranc qui a coordonnĂ© ce guide.
đ Du 8 au 11 juin, rendez-vous Ă la Biennale de la ville en transition Ă Grenoble. Vous pouvez encore y proposer des activitĂ©s ! (Villes en transition)
đïžVoir lâinvisible. Si on ne va pas revenir sur les grĂšves en cours, car ce nâest pas lâobjet de cette newsletter, celle des Ă©boueurs a pour effet de nous mettre face Ă face avec nos dĂ©chets et un certain dysfonctionnement urbain. Zooms historiques sur ces dĂ©tritus urbains qui ont le mĂ©rite de rappeler que les infrastructures ne fonctionnent pas toutes seules, et qui illustrent de façon Ă peine dĂ©tournĂ©e, un vrai  sujet de mĂ©pris social. In English. (Bloomberg)
đŽđ»ââïžLa ville pavĂ©e dâinĂ©galitĂ©s de genre. Un des premiers rapports Ă la ville pour les femmes est ce sentiment dâinsĂ©curitĂ©, bien rĂ©el vu le nombre de femmes harcelĂ©es dans les espaces urbains (quasi 100% dans les transports en commun). Les femmes ne flĂąnent pas en ville comme des dandy, mais planifient leur mobilitĂ© et Ă©vitent de rester statique, pour ne pas donner lâimpression dâattendre : câest le meilleur moyen pour quâun emmerd*** vienne nous faire la causette, rarement poliment. Au delĂ du harcĂšlement, lâamĂ©nagement des terrains de sport, le rapport Ă la voiture et au vĂ©lo, reflĂštent aussi les inĂ©galitĂ©s des tĂąches et de temps dans les couples (courses, transport des enfantsâŠ). Plus symbolique, mais tout autant rĂ©voltant : des noms dâhommes (souvent des militaires) sont partout dans les rues et les places, rappelant inlassablement qui a le pouvoir. Heureusement, aprĂšs des actions militantes (collages, manifestations), des collectivitĂ©s sâemparent de ces enjeux avec des gender budgeting, de nouveaux parcours de bus ou des espaces mixtes et mutualisĂ©s toujours ouverts Ă des endroits stratĂ©giques. (Journal CNRS)
đȘ Prisons abandonnĂ©es. Lieux de patrimoine, lieux de mĂ©moire, mais aussi parfois gigantesques espaces en coeur de ville⊠Comment reconvertir ces endroits au lourd passĂ© ? Quels souvenirs conservĂ©s de ce milieu carcĂ©ral souvent vide depuis plusieurs dĂ©cennies, mais encore cachĂ© derriĂšre de hauts murs ? Cet article se penche sur le travail de la ville de Brest pour trouver repreneur Ă la prison emblĂ©matique du Pointaniou, et sur les mutations dâusage qui ont dĂ©jĂ pu ĂȘtre rĂ©alisĂ©s dans dâautres villes. (Demain la ville)
đ Ecologies, le vivant et le social. Collectif, coordonnĂ© par Philippe Boursier et ClĂ©mence Guimont (La dĂ©couverte, 2023). Ce dialogue entre ce quâon appelle encore trop souvent les âsciences duresâ et les âsciences socialesâ sâattarde Ă montrer les responsabilitĂ©s inĂ©gales des crises climatique, Ă©nergĂ©tique et environnementale. Et surtout Ă quel point les vulnĂ©rabilitĂ©s face Ă ces crises sont toutes aussi inĂ©gales. Avec plus de 71 articles Ă©crits par des chercheu·ses, des militant·es et des professionnel·les, lâĂ©cologie devient un moyen dâĂ©mancipation des individus, des espĂšces et des relations qui sâesquissent entre elles. Les sujets sont vastes : on y traite de lâocĂ©an, des pesticides, de lâimpunitĂ© industrielle, mais aussi de la gratuitĂ© des transports, de la dĂ©mocratie sociale et des communs. Bref, câest un sacrĂ© pavĂ© et chaque sujet paraĂźt primordial. Pourtant, lâimportant est de voir comment ils se lient et se traversent les uns les autres.