đ Aptitudes territoriales
Trente annĂ©es nous sĂ©parent du moment oĂč AndrĂ© Corboz prononce sa confĂ©rence. Lâombre des Trente glorieuses planait encore sur les territoires et dans les esprits. LâidĂ©e que la tabula rasa constituait le summum de la modernitĂ©, nâĂ©tait pas totalement Ă©teinte. Mais lâest-elle vraiment aujourdâhuiâ?
Lorsque Corboz affirme que « toute intervention nâest pas possible, souhaitable ou admissible partoutâ», il suppose, faussement interrogatif, quâil sâagit dâune Ă©vidence pour son public. Il parle depuis Urbino qui fait lâobjet depuis des annĂ©es dâun projet au long court menĂ© par lâarchitecte Giancarlo De Carlo. Ce travail est une formidable dĂ©monstration de la prise en compte de lâensemble des traces et des strates qui lient lâhomme avec son environnement. Elle illustre la possibilitĂ© de construire, Ă partir dâune lecture fine du territoire, une rĂ©flexion singuliĂšre prĂ©servant la mĂ©moire dâUrbino et de dĂ©fendre les valeurs formelles et environnementales du paysage auquel elle est Ă©troitement liĂ©e.
Mais au-delĂ dâUrbino, qui se soucie de cette attention aux spĂ©cificitĂ©s des territoires pour imaginer leurs transformationsâ? Les annĂ©es 1990 marquent lâaccĂ©lĂ©ration des projets urbains en Europe qui voient les villes se dĂ©velopper dans une compĂ©tition de plus en plus acharnĂ©e pour attirer de nouveaux investisseurs, de nouveaux habitants. Les friches industrielles et en particulier ferroviaires servent de vase dâexpansion urbaine. Les projets urbains se
multiplient, mais ils se vident progressivement de leur substance. Le glissement progressif des compĂ©tences et des positions des acteurs publics et privĂ©s laisse la part belle aux mĂ©caniques financiĂšres qui rĂ©gissent la fabrique des territoires. Les territoires sont tiraillĂ©s entre «âdes logiques concurrentesâ» oĂč chaque intervenant
poursuit sa propre logique.
Lâobjectif de ZĂ©ro Artificialisation Nette (ZAN) de la loi Climat et rĂ©silience dâaoĂ»t 2021 est la promesse dâune meilleure gestion des sols et de la fin de lâĂ©talement urbain. Les sols sont-ils enfin considĂ©rĂ©s comme des biens communs ? Les ambiguĂŻtĂ©s qui accompagnent la mise en Ćuvre du ZAN lâont rĂ©duit Ă une mesure sans doctrine, imposĂ© par lâĂtat sans vĂ©ritable Ă©tude dâimpact et appliquĂ© de façon arithmĂ©tique et indiffĂ©renciĂ©e. Comme le souligne Corboz, nous «âcontinuons Ă penser, sans mĂȘme nous en rendre compte, en termes dâopposition ville-campagneâ», et nous confrontons, de façon frontale et binaire mĂ©tropoles denses et pĂ©riurbaines distendues.
Les collectivitĂ©s locales sâinsurgent contre cette loi qui « vient dâen haut » et qui sâapplique sans prendre en compte les spĂ©cificitĂ©s de chaque situation. Les Ă©lus revendiquent le droit Ă la reconnaissance des caractĂ©ristiques de leur territoire. Mais pour en faire quoiâ? Pour continuer Ă amĂ©nager comme avantâ? Le ZAN nâest-il pas lâoccasion de sortir des modĂšles et dâinventer de nouvelles formes dâamĂ©nagementâ?
Car câest bien la question des alternatives aux modĂšles dominants qui se pose. Ces alternatives ne peuvent exister sans une connaissance fine des territoires, en termes de disponibilitĂ©s fonciĂšres, de connaissance des soussols, etc. Câest Ă cela que nous invite AndrĂ© Corboz : dĂ©tecter les signes et les traces des activitĂ©s passĂ©es en les considĂ©rant comme des indices pour nos interventionsâ; sortir des visions statiques en pensant le territoire en rĂ©- seau et en considĂ©rant le temps et les flux.
Car comme le souligne lâauteur, «âintervenir sur le territoire, câest intervenir sur quelque chose qui est dĂ©jĂ un produit, qui rĂ©sulte dĂ©jĂ dâune longue sĂ©rie de processusâ». Les sols nous donnent lâoccasion de «ânourrir lâimaginaire du territoireâ». Saisissons-laâ!
â Patrick Henry, architecte-urbaniste (Linkedin)
Ce qui frappe chez AndrĂ© Corboz (1928-2012), câest lâincroyable variĂ©tĂ© des sujets et des genres, qui ne sont pas localisables Ă lâintĂ©rieur dâune discipline donnĂ©e. Trois qualitĂ©s irriguent son Ćuvre : la curiositĂ©, le nomadisme disciplinaire et
lâĂ©rudition, comme lâĂ©crivait Bernardo Secchi. Il a publiĂ© de nombreux articles et ouvrages traitant de lâhistoire de la peinture, de lâarchitecture et de lâurbanisme.
đ Le 11 mai Ă Grenoble, rdv pour parler santĂ© et urbanisme : quelle approche de la Nature en ville ? (Fondation AIA)
đČDes forĂȘts par milliers. De nouveaux enjeux sont posĂ©s aux forĂȘts par la transition Ă©cologique : Ă quelle Ă©chelle gĂ©ographique et temporelle se projette-t-on ? Quelle reprĂ©sentation de lâhumain peut-ĂȘtre associĂ©e, ou non, Ă ces espaces ? Dans quels lieux faudrait-il agir pour plus dâefficacitĂ© ? Les espaces forestiers sont exposĂ©s Ă de nombreuses tensions et incomprĂ©hensions selon oĂč lâon se place : militants Ă©cologistes, Ă©cologues, forestiers, agriculteurs⊠Faut-il planter et prĂ©server des forĂȘts, comme cadeau Ă©cologique aux gĂ©nĂ©rations futures, alors que les besoins en bois nâont jamais Ă©tĂ© aussi importants ? Les forĂȘts sont trĂšs associĂ©es Ă des systĂšmes de valeurs et de croyances, quâil nous faut dĂ©tricoter pour mieux expĂ©rimenter. (La fabrique de la citĂ©)
đïžPodcast. Le CNFPT propose une sĂ©rie de podcasts, « Bien dans ma ville », pour identifier des leviers en urbanisme et en amĂ©nagement qui amĂ©liorent la santĂ© des habitants. Un premier Ă©pisode avec Charlotte Marchandise, pour comprendre en quoi et pourquoi il est facile et utile de viser le bien ĂȘtre des habitants, suivi dâun deuxiĂšme sur le bruit avec Emmanuel Thibier, de lâADEME. A suivre tous les mercredis. (CNFPT)
đ Raz le bol. On sent dans cette tribune un certain Ă©nervement face Ă lâĂ©nergie dĂ©ployĂ©e pour ne rien faire en matiĂšre de transition. Mais lâexcellence des tours de passe-passe ne changent rien. La procrastination ne peut sâĂ©riger en art politique. (Le Monde)
đEtat des sols agricoles en France. Un rapport qui ne lĂ©sine pas sur les tournants urgents Ă prendre dans le monde de lâagriculture si lâon veut continuer de se nourrir et si lâon souhaite payer, enfin, dĂ©cemment celles et ceux qui travaillent ces terres. A coup de donnĂ©es toutes plus inquiĂ©tantes les unes que les autres et de tĂ©moignages dâagriculteur·ices, lâassociation Terre de Liens appelle Ă une grande loi agricole pour prĂ©server les terres et leurs usages, faciliter leur accĂšs aux porteur·ses de projets, favoriser des pratiques agricoles vertueuses et dĂ©velopper une politique ambitieuse dâinstallation de nouvelles gĂ©nĂ©rations de paysan·es (parce quâon va avoir besoin de monde dans les champs !). (Terres de Liens)