đŸ€– La ville analogique

đŸ€– La ville analogique

Et si la Smart City n’était que le dernier avatar en date de l’hygiĂ©nisme ? AprĂšs la ville haussmannienne, le rĂȘve des citĂ©s-jardins, les utopies paternalistes, le dĂ©ferlement des grands ensembles ou l’idĂ©al pavillonnaire, nous avons subi les promesses de flux rĂ©gulĂ©s par l’Intelligence Artificielle, de rues bardĂ©es de camĂ©ras et de poubelles connectĂ©es.

L’urbanisme donne parfois l’impression d’ĂȘtre une suite de vaines tentatives pour mettre la ville au pas. Mais aprĂšs avoir nourrie les confĂ©rences et peuplĂ©e les salons professionnels, la Smart City semble Ă  son tour s’étioler, sans avoir vraiment dĂ©passĂ© le statut de pĂ©pite marketing. Quand on peine encore Ă  faire disparaĂźtre l’habitat indigne ou Ă  rĂ©guler le stationnement des trottinettes, qui peut encore croire Ă  une vie urbaine complĂštement rĂ©gulĂ©e ? La Smart City est la somme d’une impasse Ă©cologique, d’un idĂ©al de suroptimisation et de la tentation du contrĂŽle social.

La ville ne sera donc pas intelligente, et Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre bĂȘte, elle restera bordĂ©lique et inefficace. Quoi de plus complexe et de moins gĂ©rĂ© qu’une ville ? On se laisse bercer par l’idĂ©e que nos autoritĂ©s locales pilotent ce vaste ensemble, mais Ă  part quelques fondamentaux qui permettent Ă  l’eau de couler dans nos robinets, aux Ă©coles d’ouvrir et aux tramways de rouler, le reste est le fait de millions de dĂ©cisions individuelles prises dans un fourmillement crĂ©atif et malheureux qui est le propre de la densitĂ© urbaine.

Mais l’échec marketing de la Smart City ne dit pas que le numĂ©rique n’a rien changĂ© Ă  la ville. Notre vie est dĂ©sormais scandĂ©e par le rythme des notifications, Ă©clairĂ©e en permanence par les interfaces et orientĂ©e par le point bleu rassurant du GPS. Le numĂ©rique a changĂ© nos vies, notre rapport Ă  l’espace, notre Ă©conomie et nĂ©cessairement nos villes.

Guillaume Ethier en prend acte, et n’a ni regrets ni nostalgie d’une ville d’avant. Mais en musicien qu’il est, il introduit du bruit dans la bande-son aseptisĂ©e de la ville numĂ©rique. Pas des sons dĂ©sagrĂ©ables, non, mais des irrĂ©gularitĂ©s que seules autorisent les interfaces analogiques. Ces anomalies aux marges de la ville normalisĂ©e et optimisĂ©e, ont perdurĂ© sous les radars des interfaces acĂ©rĂ©es de la ville numĂ©rique. Guillaume Ethier nous invite Ă  les voir enfin, Ă  les assumer et les dĂ©ployer. Alors sa ville est lente, tangible, imparfaite. Intime parfois. Il nous invite Ă  la parcourir et Ă  explorer ses intuitions, sans chercher Ă  faire modĂšle. Mais ce sont de ces interstices que naĂźtront les innovations dont nous avons besoin pour les combats futurs.

— Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)

PS :  Et hop, tous nos livres sont désormais aussi accessibles en format numérique. On n'est pas des grands fans de la lecture sur écrans, mais ça peut aider les lecteurs qui habitent un peu loin.

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L’avĂšnement de l’univers numĂ©rique a mis Ă  mal notre rapport Ă  la ville tangible, que nous avons dĂ©sertĂ©e au profit d’une hyperconnectivitĂ© qui n’est pas sans consĂ©quences sur l’espace public en tant que lieu de sociabilitĂ©. Et l’arrivĂ©e annoncĂ©e d’un soi-disant « mĂ©tavers » ne fera qu’amplifier ce phĂ©nomĂšne. La dĂ©personnalisation des relations interpersonnelles et le transfert des dĂ©cisions humaines Ă  des machines menacent, Ă  terme, la part d’humanitĂ© qui nous relie les uns aux autres. Sylvain en parle avec Guillaume Ethier.

📆 Le mardi 16 mai, revue de projets “Faire avec l’existant” : retours d’expĂ©rience de deux projets d’habitat collectif nantais en rĂ©habilitation. (Novabuild)

đŸœïžRegardez sous vos pieds. Publication du rapport Sols et adaptation au changement climatique: De la comprĂ©hension des mĂ©canismes aux pistes d'actions en contexte urbain, afin de rĂ©aliser l’importance des sols dans l’adaptation au changement climatique. Leurs caractĂ©ristiques et leurs fonctions sont encore peu connues, pourtant ils sont essentiels pour la biodiversitĂ©, pour l’irrigation, pour la lutte contre les ilots de chaleur, ou mĂȘme pour leur captation de CO2
 Voici des pistes d’actions concrĂštes pour prĂ©server au maximum leurs fonctionnements, malgrĂ© la forte anthropisation et les impacts des sĂ©cheresses. (CEREMA)

đŸ•¶ïž Prospective. Entretien avec un “futuriste” allemand, Johannes Kleske, afin de mieux comprendre la prospective et le changement : leurs impacts, leurs formes et les Ă©motions qu’ils dĂ©ploient. Avoir “le cul entre deux chaises”, sans discipline et en prenant plein de lunettes diffĂ©rentes pour observer le monde, est une façon de revaloriser le travail du gĂ©nĂ©raliste. La prospective doit Ă©viter de tomber tĂȘte la premiĂšre dans le concret : parle de choses concrĂštes, oui, se jeter sur le planning pour Ă©riger les prochaines Ă©tapes, non. In English.

In organisations, there is the tendency to quickly move on to concrete next steps, whereby the steps then remain very small and on the pre-established path. But to succeed, it is critical to approach the future with an open mind, to remove any blinders, and to allow yourself to be surprised, instead of immediately following the obvious course of action.

(Forsightfolk)

📖 Pour une Ă©cologie pirate, Et nous serons libres, Fatima Ouassak (La dĂ©couverte, 2023). Les enjeux Ă©cologiques sont trop importants pour qu’un grand mouvement populaire ne s’en saisisse pas. Et pourtant, penser une Ă©cologie non paternaliste et sans mĂ©pris de classe ne paraĂźt pas chose aisĂ©e. Une vision encore coloniale des quartiers populaires ne leur permet pas de faire grossir les rangs des mouvements Ă©colos. Fatima Ouassak pointe du doigt le “dĂ©sancrage organisĂ©â€ dans ces quartiers, qui font des habitant·es des sans terre et des sans pouvoir. Elle invite Ă  une Ă©cologie libĂ©ratrice, qui pense Ă  partir et avec les enfants, dont les mouvements et les rĂȘves ne seraient plus cantonner au goudron de la citĂ©.

C'est une terre dont les enfants ont besoin, pas d’une zone : qui a envie de protĂ©ger des ZUP, des ZEP, des ZEP+, des ZUS, des QPV, des Quartiers de reconquĂȘte rĂ©publicaine ? Qui aurait envie de protĂ©ger cette terre ainsi nommĂ©e, cet ignoble quadrillage semi-policier ? L’ancrage des populations qui vivent dans les quartiers populaires passe par l’abandon de ces appellations coloniales.

dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la premiÚre fois, c'est le moment de vous abonner à cette newsletter.

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