đïž Territoires en dĂ©clin
Mettons de premiĂšres lunettes, un peu lugubres. Que voyez vous ? Une grande rue aux façades dĂ©crĂ©pies, des panneaux âĂ vendreâ sur les vitrines, des feuilles mortes soulevĂ©es par une lĂ©gĂšre brise, et partout, des bĂątiments abandonnĂ©s. Les enfants sont partis, il ne reste plus que quelques personnes errantes dans ces rues tristes et grises, qui pourtant, il y a longtemps, ont du ĂȘtre resplendissantes.
Mettons maintenant une autre paire de lunettes, aux verres teintĂ©s de vert. Que voyez vous cette fois ? Des jardins potagers luxuriants, quoiquâun peu en bazar, des tentatives low-tech dâĂ©oliennes individuelles, des espaces en friche oĂč la nature a repris ses droits. Et ça et lĂ , des jeunes et des moins jeunes qui bavardent sur la nouvelle place du quartier, une ancienne usine rĂ©affectĂ©e en lieu de vie commun et solidaire.
De multiples imaginaires prolifĂšrent sur les villes en dĂ©clin. Certain·es y voient la plus grande des dĂ©cadences, notamment dĂ©mographique, qui telle lâĂ©pĂ©e de DamoclĂšs dĂ©finit la rĂ©ussite ou non du mandat du maire. Dâautres y projettent la naissance dâune nouvelle sociĂ©tĂ©, plus sobre et plus locale, prenant racine dans des solidaritĂ©s entre voisin·es.
Câest pour sortir de ces images toutes faites de lâeffondrement ou de la post-croissance que Max Rousseau et Vincent BĂ©al sont allĂ©s arpenter les rues de Cleveland, aux Etats-Unis, au cĆur de la Rust Belt. Une âville ordinaireâ, comme ils disent, permettant de prendre du recul et de monter en gĂ©nĂ©ralitĂ©, loin du parc dâattraction dĂ©croissant quâest peut-ĂȘtre devenue Detroit.
Car il ne faut pas sây tromper, lâagriculture urbaine luxuriante de Cleveland est une agriculture de subsistance, bien Ă©loignĂ©e de nos jardins dâĂ©colo-bobo et de leurs petites tomates bio. Ici, des populations racisĂ©es nâont plus accĂšs au moindre commerce, ou alors bien trop loin de chez elles, ou bien trop chers. Si lâagriculture urbaine est parfois utilisĂ©e dans un objectif dâattractivitĂ©, elle est ici synonyme de survie. En parcourant leur ouvrage, Plus vite que le coeur dâun mortel, on y comprend Ă quel point des politiques de dĂ©croissance peuvent parfois ĂȘtre socialement injustes et racistes.
Les auteurs appellent Ă des politiques de dĂ©croissances planifiĂ©es et pensĂ©es Ă travers les ressources internes du territoire. Des stratĂ©gies qui seraient tournĂ©es vers les besoins de la population dĂ©jĂ lĂ , encore lĂ , et qui prennent appui sur les liens de solidaritĂ© qui se crĂ©ent, malgrĂ© tout. Une enquĂȘte qui montrent des expĂ©rimentations riches, ambiguĂ«s, parfois ratĂ©es, faites dâordinaire et de dĂ©brouille.
â FrĂ©dĂ©rique Triballeau (Linkedin)
PS : Dans le thĂšme, le festival de la DĂ©croissance a besoin d'un coup de pouce pour lancer sa premiĂšre Ă©dition, qui aura lieu Ă Saint-Maixent-l'Ecole, du 28 au 30 juillet. (Les soutenir)
đ Du 31 mai au 4 juin Ă Poitiers, premiĂšres rencontres internationales de la classe dehors. Pourquoi parler dâĂ©cole dans une newsletter sur la fabrique de la ville ? Parce que câest par le jeu, la dĂ©couverte et lâexpĂ©rimentation par tous les sens que lâon apprend Ă regarder avec bienveillance et protĂ©ger ce qui compose notre territoire. Lisez cette tribune sur le sujet signĂ©e notamment par Christine Leconte et Thierry Paquot.
Et le 31 mai, à Lyon et en ligne, dans le cadre de la consultation Grande Porte des Alpes, vous pourrez assister à la conférence "Croissance et sobriété urbaine, pistes et réflexions pour la Grande Porte des Alpes".
đïžEmission. "Ravitailler la ville", c'est la nouvelle sĂ©rie documentaire audio de LSD. Elle est Ă la fois trĂšs actuelle et historique, car pour mieux comprendre notre alimentation dâurbain, rien de tel que de se plonger dans le passĂ© des cĂ©rĂ©ales et des charrettes. En quatre Ă©pisodes qui mettent lâeau Ă la bouche, dont un spĂ©cifique sur lâagriculture urbaine. (France Culture)
đȘ De la magie de la technologie. Voici une critique acerbe du rĂŽle des nouvelles technologies dans la transition Ă©cologique. Pour lâauteur, elles ne seraient quâun moyen pour ne rien changer, et nier encore plus longtemps les problĂšmes. Une solution technologique magique se profile toujours Ă lâhorizon pour rĂ©volutionner telle ou telle industrie avant quâil ne soit trop tard (coucou lâhydrogĂšne, coucou le tout Ă©lectriqueâŠ). Au risque de voir le changement climatique comme un problĂšme technique plutĂŽt quâun problĂšme politique. Autant vous dire que Bill Gates et Elon Musk se font taper sur les doigts. In English.
We will need to use a whole range of technologies to respond to the crisis, but we donât need to wait for anything new to be developed before we act. We have all the technology we need to cut emissions, yet we lack the political will to use it.
đ 303. Paysages photographiĂ©s (Ă©ditions 303, 2023). On vous a dĂ©jĂ parlĂ© de cette revue et des belles photos en pleine page quâelle offre rĂ©guliĂšrement Ă nos yeux. Mais lĂ , les Ă©quipes se sont surpassĂ©es, car la revue est entiĂšrement dĂ©diĂ©e Ă la photographie, dans une approche documentaire, des paysages de la rĂ©gion Pays de la Loire (en sâautorisant Ă traverser quelques frontiĂšresâŠ). Rien de spectaculaire dans ces photos, mais du quotidien et du banal dans le fleuve, les ruisseaux, les pierres, les routes bitumĂ©es et les centre bourg. Pourtant, beaucoup sont touchantes et pincent le cĆur, telles ces vaches qui nous regardent droit dans les yeux dans leur prairie si verte, au devant de cette usine bleue si anthropisĂ©e. Il y a des exceptions, mais on y voit peu dâhommes, de femmes et dâenfants, comme si les humains avaient dĂ©sertĂ© le monde. En tout cas, lâouvrage sent bon le vrai papier.