♒ Ecouter Gatineau
Gatineau, c'est la quatrième ville du Québec située en face d’Ottawa, de l’autre côté de la rivière des Outaouais. C’est elle qui déborde par surprise en 2017 et fait 4000 sinistrés. Dans les mois qui suivent, une tornade détruit ou endommage 2400 logements, trois des cinq pires pluies diluviennes des cent dernières années s’abattent sur la ville, qui subit aussi des canicules, des épisodes de gel/dégel et de nouvelles inondations en 2019 et 2023. Gatineau, c’est un territoire sentinelle qui tente de nous avertir de ce qui va nous arriver par la voix de son ancien maire, Maxime Pedneaud-Jobin, élu de 2013 à 2021. Il a décidé de ne pas se représenter à l’issue de son second mandat, et témoigne désormais de son expérience au cœur des impacts du bouleversement climatique :
« J’ai énormément appris, ça nous transforme. En tant qu’élu local, nous devons envoyer deux messages contradictoires en même temps. Nous devons inspirer la force et la confiance pendant la crise, mais en même temps faire preuve d’empathie et avoir de la compréhension pour ce que les gens vivent. J’ai appris à accueillir la souffrance humaine. Et parfois, nous sommes impuissants. »
Mais le rôle du maire ne s’arrête pas avec la fin de la phase aiguë de la crise. Quand les médias sont partis et que les sirènes se taisent enfin, il y a un territoire à reconstruire. Il faut aussi tirer les leçons du choc et se préparer pour la suite. À Gatineau, on ne part pas de rien. Avant les inondations de 2017, la ville avait déjà une culture de sécurité civile, des équipements et une bonne préparation. Mais la catastrophe n’avait pourtant pas été anticipée. Comment se préparer ?
« Il faut qu’un concept devienne une obsession : la résilience, c’est-à-dire la capacité à s’adapter à n’importe quoi. Il faut penser la ville autrement qu’avec les normes d’aujourd’hui qui n’ont plus de sens avec les changements climatiques. Il faut des outils pour être capable de faire face à des choses qu’on ne pouvait pas imaginer avant. »
La résilience ne passe pas uniquement par l’anticipation des catastrophes ou l’adaptation des infrastructures urbaines. Financement des associations, création de lieux… tout cela participe à la construction d’infrastructures sociales de résilience. La conversation à engager avec la population porte sur la gestion des crises, la préparation, et aussi l’adaptation de nos villes et de nos modes de vie. Elle sera sans doute plus aisée à mener à l’échelon local, plutôt qu’avec un gouvernement distant et qui a du mal à sortir des débats partisans. Convenons que Maxime Pedneaud-Jobin a bien mérité de passer le relais après deux mandats. Aujourd’hui il continue de prendre la parole, non plus en tant qu’élu, mais comme sentinelle :
« En transmettant cette expérience, en m’assurant que les élus locaux prennent conscience des risques, en parlant des erreurs et des bons coups que nous avons faits, j’ai la sensation de rendre justice aux victimes. »
On va donc l’écouter attentivement cette semaine, et vous pourrez aussi lire son dernier ouvrage : Libérer les villes. Pour une réforme du monde municipal, qui vient tout juste de sortir.
– Sylvain Grisot (Linkedin / Bluesky / X)
PS : Cette édition vous parvient avec 24h pour une très bonne raison : je suis en train de boucler un nouveau livre à paraitre en janvier 2024 ! Je vous raconte tout ça après une pause de deux petites semaines. On se retrouve donc mercredi 8 novembre à 10h, comme d'habitude.
🗓️ 24 octobre, en ligne. Les “Circuits de l’Économie Circulaire” organisés par l’association ORÉE ouvrent un nouveau cycle de webinaires. Le prochain portera sur :”Urbaniser en sobriété : quelles perspectives d’évolution des villes ?” (Inscription)
🗓️ 24 octobre, en ligne. L’AIMF organise une série de tables rondes autour des concepts de l’urbanisme francophone sur le thème de "L'informel, un enjeu pour l'urbanisme ?” (Programme)
📻 No(s) futurs. Voilà un très beau travail de vulgarisation de la prospective territoriale réalisé par le CAUE de Haute-Savoie, utile même aux professionnels de la profession. C'est quand les nappes de brouillard nous empêchent de voir le bout de nos pieds qu'il est important de regarder au loin, nous avons certainement besoin d'un renouveau de la prospective territoriale. (CAUE 74)
🔩 Nouveaux leviers. Comment la ville de Clermont-Ferrand fait métropole aujourd'hui, engageant ses acteurs à faire valoir ce statut au service d'un aménagement urbain vers une autonomie alimentaire. La création notamment d'une nouvelle ferme agricole en bordure de la ville dans un ancien espace enclavé permettra du réemploi et de l'insertion professionnelle. (Le Monde)
📚 Imaginer l’après. Vulnérabilité environnementale et décision publique en contexte post-catastrophe. Sous la direction de Pierre Gras, Michel Lussault et Vincent Mirza. Édition 205, 2023. Tiré d’un séminaire international organisé à Lyon et Tokyo en 2022, cet ouvrage collectif donne une large place aux impacts du tsunami qui a touché le japon en 2011 , mais pas seulement. Autour de la catastrophe et de l’après, les liens avec l’anthropocène se tissent et la nécessité de penser autrement la notion de crise s’impose. Comment imaginer une “après crise”, quand chaque catastrophe n’est que la crise d’avant ? (Éditions 205)
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