🧳 "Reterritorialiser" Miquelon

🧳 "Reterritorialiser" Miquelon
Illustration : Murzabov

Le changement climatique bouleverse la cartographie des risques. Mais pour les territoires menacĂ©s, prendre acte des pĂ©rils et mettre Ă  jour les documents de prĂ©vention n’est certainement pas suffisant. Objectiver le risque ne fait pas projet, et l’assĂ©ner sans perspective d’avenir ne peut que bloquer les nĂ©cessaires adaptations des lieux.

Le village de Miquelon, nichĂ© sur son Ăźle Ă  plus de 6000 km de Paris, vit une histoire singuliĂšre qui pourrait pourtant inspirer d’autres territoires menacĂ©s. PerchĂ© Ă  seulement 3 mĂštres au-dessus du niveau de la mer, il abrite 600 habitants sur le chemin de tempĂȘtes de plus en plus frĂ©quentes, Ă  l’exemple de Fiona qui a ravagĂ© en 2022 les Ăźles de la Madeleine toutes proches. L’élaboration rĂ©cente du plan des risques littoraux a pris acte de ces menaces, limitant drastiquement le dĂ©veloppement du village. Mais quand ce document est leur est prĂ©sentĂ©, les habitants protestent contre l’absence de perspective et plantent une pancarte « L’avenir c’est ici » sur un secteur non constructible Ă  l’abri des vagues. L’État comprend qu’il faut faire Ă©merger une stratĂ©gie de dĂ©veloppement qui offre un avenir au territoire, et propose de mettre en place une dĂ©marche d'atelier des territoires. C’est un cadre de rĂ©flexion original, qui s’étend sur une annĂ©e rythmĂ©e par 4 sĂ©quences d’une semaine de terrain animĂ©es par une Ă©quipe d’urbanistes.

Ces Ă©changes ont permis de faire aboutir l’idĂ©e d’un redĂ©ploiement du village dans des terres plus abritĂ©es, dans une forme originale de « reterritorialisation » qui permet de protĂ©ger les populations tout en laissant la place Ă  l’ocĂ©an. Mais il faut aller vite, alors un lotissement d’une quinzaine de lots s’organise dĂ©jĂ  sur les hauteurs pour les maisons des premiers mĂ©nages pionniers, accompagnĂ©es d’un Ă©quipement refuge qui rĂ©unit un centre de secours et une salle des fĂȘtes capable d’accueillir la population en cas de pĂ©ril.

Une fois comprit que, quelque soit le pĂ©ril, chaque territoire mĂ©rite un avenir, il est donc possible de le dessiner. Mais retenons quelques clĂ©s de la rĂ©ussite de ce (dĂ©but de) processus de relocalisation. D’abord, mettre tout le monde autour de la table. Y inviter ensuite des gens venus d’ailleurs, capables de faire avancer les choses. Et puis miser sur la transparence. Alors que les tensions provoquent souvent des rĂ©flexes de fermeture des institutions, ici le choix a Ă©tĂ© fait de tout dire. Montrer ce qui se fait permet de dĂ©montrer que ça avance, mais il faut assumer publiquement les doutes et les incertitudes. En voilĂ  un beau changement de pratique.

Miquelon, c’est un territoire sentinelle qui vit les coups du bouleversement climatique un peu avant les autres, et que nous ferions bien d’écouter. Ce qui se fait lĂ -bas n’a pas vocation Ă  se faire ailleurs, mais il y a sans doute beaucoup Ă  en apprendre. C’est pour cela que je suis allĂ© Ă©changer avec Laurent Pinon, directeur de l’agence MĂ©tamorphoses Urbaines, qui continue d'animer cette dĂ©marche sur l’üle.

— Sylvain Grisot (LinkedIn)

PS : Comme chaque annĂ©e, dixit.net mobilise 1% de son chiffre d’affaire pour une dĂ©marche d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Cette annĂ©e, nous avons investit dans des parts sociales de la fonciĂšre solidaire Base Commune. Cette fonciĂšre lutte contre la dĂ©vitalisation urbaine et la spĂ©culation fonciĂšre en achetant des pieds d’immeuble pour y dĂ©velopper des usages Ă  impact social et/ou utilitĂ© locale. Vous pouvez Ă©galement soutenir ce projet en souscrivant Ă  des parts sociales.

#110 Laurent Pinon · Miquelon face aux vagues by dixit.net
Miquelon face aux vagues Le village de Miquelon se situe sur l’üle du mĂȘme nom, Ă  3 mĂštres au dessus du niveau de la mer, il abrite 600 habitants, et se trouve sur le chemin de nombreuses tempĂȘtes. Il y a quelques annĂ©es, l’élaboration du plan des risques littoraux met en Ă©vidence les menaces qui pĂšsent sur le territoire, et limitent drastiquement le dĂ©veloppement du village. Les habitants et habitantes, attachĂ©s Ă  leur lieu de vie protestent contre cette perspective et proposent de redĂ©velopper le village ailleurs, sur un territoire plus en altitude. L’état alors de mettre en place la dĂ©marche des ateliers des territoires qui progressivement esquissent un avenir au territoire. Pour en apprendre plus sur cette dĂ©marche je rencontre Laurent Pinon, directeur de l’agence MĂ©tamorphoses Urbaines, qui a animĂ© la dĂ©marche les Ateliers des territoires sur l’ile de Miquelon. Je suis Sylvain Grisot urbaniste fondateur de dixit.net, bienvenue sur notre podcast qui donne la parole Ă  celles et ceux qui font la ville. Abonnez-vous Ă  notre newsletter et retrouvez toutes nos publications sur dixit.net Bonne Ă©coute ! Pour aller plus loin : L’ouvrage collectif Territoires submergĂ©s : https://terreurbaine.com/territoires-submerges/ Le livre de Philippe Simay sur le rĂ©emploi https://terreurbaine.com/batir-avec-ce-qui-reste/ Les vidĂ©os de Christophe Raylat rĂ©alisĂ©es lors des 4 rĂ©sidences : https://www.saint-pierre-et-miquelon.developpement-durable.gouv.fr/atelier-des-territoires-premiere-esquisse-d-a805.html Le site de l’agence MĂ©tamorphoses Urbaines : http://metamorphoses-urbaines.fr
Territoires submergés - Les éditions Terre Urbaine
En librairie le 27 mai 2023 Alexandre K. Magnan, Margot Liebel, Catherine Meur-Ferec, Anne-Solange Muis, Antoine Petitjean, Laurent Pinon Territoires submergĂ©s, quelles adaptations aux risques cĂŽtiers? Le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) a procĂ©dĂ© Ă  une Ă©valuation des risques sur diffĂ©rents types de littoraux en estimant une Ă©lĂ©vation du niveau de la mer allant de +43 cm Ă  1,10 mĂštre en moyenne mondiale par rapport Ă  la situation actuelle, et d’ici 2100. Les rĂ©sultats sont sans appel. Sans rĂ©duction...Lire la suite Lire la suite

📆 Quelques dates Ă  ne pas rater :

  •  Le 24 septembre, la 3Ăšme journĂ©e de l’économie circulaire. Ekopolis organise la troisiĂšme Ă©dition des journĂ©es de l’économie circulaire dĂ©diĂ©es aux secteurs du bĂątiment et de l’amĂ©nagement. Au programme des tables-rondes, des confĂ©rences et temps d’échange.
  • Le 26 septembre, Le nouvel horizon des territoires oubliĂ©s. De 11h30 Ă  13h, Ariella Masboungi et Guillaume HĂ©bert prĂ©sentent leur nouveau livre "Les territoires oubliĂ©s" Ă  LĂ©onard:Paris. Pour parler de ces territoires “oubliĂ©s”, les auteurs ont invitĂ© Jean Pierre Buche, Maire de PĂ©rignat-sur-Allier et Philippe EstĂšbe, chercheur.
  • Jusqu’au 27 septembre, trophĂ©e de la sobriĂ©tĂ© fonciĂšre. L’Ademe organise un concours pour rĂ©compenser les acteurs publics ou privĂ©s qui ont mis en Ɠuvre une action, un projet ou une dĂ©marche de sobriĂ©tĂ© fonciĂšre et immobiliĂšre. Le concours comprend 3 catĂ©gories : utiliser le dĂ©jĂ -lĂ , concevoir sobre, et accompagner le changement.

đŸ“» Innovations. Vous connaissez l’histoire des innovations qui changent nos vies. Il y a la grande dĂ©couverte par un chercheur au fond d’un laboratoire au dĂ©but de l’aventure, un État rĂ©gulateur qui rend les choses possibles et laisse les entreprises privĂ©es donner forme Ă©conomique Ă  une bonne idĂ©e, et des territoires qui en rĂ©coltent passivement les bienfaits. L’histoire du transistor dĂ©montre l’absurditĂ© de ce schĂ©ma parfaitement thĂ©orique. Science et Ă©conomie sont intimement liĂ©s, l’Etat oriente et parfois dirige l’innovation, et la capacitĂ© d’un territoire Ă  crĂ©er du lien entre les acteurs est dĂ©terminante pour faire Ă©merger l’innovation. Le transistor n’a pas Ă©mergĂ© dans ce qui deviendra la Silicone Valley pour rien. (RadioFrance

đŸ€ Transition Ă©cologique et vivre ensemble. En SaĂŽne-et-Loire, la communautĂ© de communes du Clunisois a dĂ©cidĂ© de mettre en place un projet de territoire ambitieux centrĂ© sur la transition Ă©cologique. Conscients que l’écologie est un sujet qui divise, les Ă©lus ont mis en place de nombreuse concertations et ont axĂ©s le projets sur la prĂ©servation et la valorisation du territoire pour embarquer le plus de citoyens possible. Le but n’est pas simplement de rĂ©duire les Ă©missions carbones, il s’agit de favoriser le vivre ensemble par un ensemble de projets qui permettent de redynamiser les bourgs de ce territoire rural. Un projet inspirant et une affaire Ă  suivre ! (Le Monde)

📘 BĂątir avec ce qui reste par Philippe Simay. Voici un petit essai qui dĂ©construit utilement la question des ressources associĂ©e Ă  l’architecture pour montrer l’impasse de nombre de dĂ©marche, et prendre le parti du rĂ©emploi avec une fraĂźche radicalitĂ©, qui fait du bien. (Ă©ditions Terre Urbaine)

Pour les architectes, les ressources pourraient ainsi ĂȘtre apprĂ©hendĂ©es moins comme des choses Ă  exploiter que comme des façons de faire. Mais faire avec quoi, dira-t-on ? Si les ressources naturelles n'existent pas, que reste-t-il ? Il reste tout ce que nous avons dĂ©jĂ  produit et que nous pouvons lĂ©gitimement appeler « ressources ». En effet, tout ce que nous avons dĂ©jĂ  transformĂ© ne reprĂ©sente plus, ou peu, des subsistances pour les autres ĂȘtres vivants. Nous pouvons les revendiquer comme nĂŽtres. En dĂ©finitive, qu'il s'agisse de la ressource entendue comme façon de faire ou de la ressource en tant que matiĂšre transformĂ©e, nos deux conceptions convergent vers une mĂȘme conclusion. La nouvelle dĂ©finition des ressources implique de faire avec le dĂ©jĂ -lĂ  ou de bĂątir avec ce qui reste.