đłïž Impasses dĂ©mocratiques
Pendant que la dĂ©mocratie amĂ©ricaine finit de compter ses voix et que lâon se demande si on peut encore compter sur elle, il nous faut parler de la nĂŽtre. Alors partons dâun livre fort utile : «âPour en finir avec la dĂ©mocratie participativeâ», Ă©crit par Manon Loisel et Nicolas Rio, avec lequel jâai eu rĂ©cemment un entretien.
Pour eux, les impasses de la dĂ©mocratie participative qui multiplie les dispositifs ingĂ©nieux pour «âdonner la parole aux citoyensâ» ne sont pas lâĂ©chec de celles et ceux qui les Ă©laborent, mais le symptĂŽme dâune crise plus globale de notre dĂ©mocratie. Il y a bien entendu la question des invisibles avec des rĂ©unions peuplĂ©es par TLM (Toujours Les MĂȘmes) qui votent aussi aux Ă©lections et qui disposent donc de deux voix, quand les abstentionnistes sont aussi absents des rĂ©unions de concertation. Mais mĂȘme sâils venaient, il y existe aussi une forme de surditĂ© sĂ©lective des institutions qui peinent Ă entendre la dissonance. Alors, non seulement la participation ne permet pas de dĂ©passer la crise dĂ©mocratique, mais ses effets rĂ©duits sur les dĂ©cisions viennent alimenter la dĂ©fiance rĂ©ciproque entre citoyens et institutions.
Il faut donc regarder plus loin. Ce nâest pas Ă un problĂšme de dĂ©mocratie participative auquel il faudrait rĂ©pondre par toujours plus de participation, mais un problĂšme de dĂ©mocratie tout court. Car elle multiplie les impasses : abstention, faible reprĂ©sentativitĂ© des Ă©lus, abandon de leurs missions de reprĂ©sentation au profit dâune position dâarbitre de lâaction publique, opacitĂ© des dĂ©cisions, peur du conflitâŠ
Ce dernier point est singuliĂšrement important pour moi. Alors quâon peine Ă mobiliser pour les rĂ©unions de concertation, quand des groupes dâhabitants se mobilisent contre un projet il y a une incapacitĂ© des institutions Ă se saisir du conflit comme une opportunitĂ© de dialogue. Câest dâautant plus problĂ©matique que nous avons dĂ©sormais besoin dâun cadre dĂ©mocratique sain pour faire de vrais choix et Ă©laborer les compromis nĂ©cessaires Ă la transition, au risque de lâinaction :
Pour amplifier la transition Ă©cologique, lâenjeu de lâaction publique nâest pas de construire un rĂ©cit dĂ©sirable, comme on lâentend souvent du cĂŽtĂ© des agents publics et des Ă©lus. Il sâagit plutĂŽt dâorganiser la confrontation de ces intĂ©rĂȘts divergents autour dâune mĂȘme table des nĂ©gociations pour rechercher des lignes de compromis et obtenir des engagements de la part de chaque partie. Lâinaction climatique nâest pas un problĂšme de communication, mais de dĂ©salignement dâintĂ©rĂȘts.
Manon et Nicolas esquissent des pistes pour repenser le fonctionnement de nos institutions, autour notamment de la transparence, de lâattention aux sentiments dâinjustice et de la collĂ©gialitĂ©. Prenez le temps de les lire et de les Ă©couter, car nous avons du travail devant nous avant comme aprĂšs les Ă©lections locales de 2026.
â Sylvain Grisot (LinkedIn)
đ Quelques dates ne pas manquer :
- Le 12 novembre, "Le monde est vulnĂ©rable, comment en prendre soin ?" Michel Lussault sera prĂ©sent au Lieu Unique Ă Nantes lors dâune rencontre organisĂ©e par lâlâIEA et Nantes UniversitĂ©. Michel Lussault nous expliquera comment inventer de nouvelle façons de cohabiter entre humains et non-humains peut permettre de maintenir et mĂȘme de rĂ©parer lâhabitabilitĂ© de nos lieux de vie.
- le 13 novembre, Le logement, une affaire publique ? LâInstitut Des Hautes Etudes pour lâAction dans le Logement (IDHEAL) se rend Ă La Fab Ă Bordeaux pour un sĂ©minaire ouvert aux acteurs et Ă©lus des politiques du logement du territoire mĂ©tropolitain, mais aussi Ă celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre la crise du logement.
- le 14 novembre, journĂ©e francilienne Urbanisme et SantĂ©. La 6Ăšme Ă©dition de cet Ă©vĂšnement se tiendra Ă lâAcadĂ©mie du Climat (Paris). Les objectifs de cette journĂ©e : se rencontrer et Ă©changer, identifier les freins et obstacles, dĂ©couvrir des outils et dispositifs, s'inspirer de bonnes pratiques et de retours d'expĂ©rience.
- Jusquâau 17 novembre candidature Chaire âHabiter au prisme des limites planĂ©tairesâ. En associant un institut dâĂ©tudes avancĂ©es, un Ă©tablissement dâenseignement supĂ©rieur, une agence dâurbanisme et une entreprise de l'ingĂ©nierie et du conseil en amĂ©nagement, cette chaire entend mettre en valeur et dĂ©cliner une pensĂ©e scientifique transdisciplinaire et prospective dans le but dâinterroger et dâexplorer les formes et les modes dâhabiter au prisme des limites planĂ©taires : neutralitĂ© carbone, adaptation au changement climatique, restauration du vivantâŠ.
đ Place de la voiture. Les mesures de rĂ©duction de la place de la voiture apparaissent dans de nombreux centres urbains, elles prennent diffĂ©rentes formes : piĂ©tonnisation de certaines rues, dĂ©veloppement de pistes cyclables, zones trente⊠Ces nouvelles mesures ne font pas lâunanimitĂ© auprĂšs des citoyens, pourtant leur multiplication laisse Ă penser que les contestataires ne sont pas si nombreux. Ces mesures sont-elles rĂ©ellement impopulaires ou les protestations sont-elles issues d'une minoritĂ© de personnes mais suffisamment visibles pour biaiser la perception de l'opinion publique ? Câest la question Ă laquelle rĂ©pond cette Ă©tude de lâAdeme.
đ Paresse pour tous. Et si nous ne travaillions que 3h par jour ? Dans ce roman, nous suivons la campagne prĂ©sidentielle dâEmilien Lelong, prix Nobel dâĂ©conomie, qui dĂ©fend le droit Ă la paresse pour tous et toutes, avec une mesure phare : la semaine de 15h. Bien quâil sâagisse dâune fiction, les thĂ©ories Ă©conomiques sont toutes bien rĂ©elles, et nous permettent dâimaginer une sociĂ©tĂ© française plus juste, plus Ă©cologique, oĂč la croissance ne serait plus le mot dâordre. (Ă©dition le Tripode)