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🌀 Réparer Mayotte

dixit.net

12 févr. 2025 — 7 min read

9 février 2025, J+57. La dernière fois que j’ai atterri à Dzaoudzi, c’était bizarrement le jour de mon départ définitif de Mayotte après trois années intenses, qui étaient les premières de ma vie d’urbaniste. Un faux départ en fait. L’explosion d’un des deux réacteurs du Boeing 777 nous avait renvoyés à la case départ. C’était il y a tout juste 18 ans et l’île, je le sais, s’est complètement transformée, et pas que pour le meilleur. J’ai longtemps repoussé ce retour, et là j’ai autant peur de voir ces changements que les dégâts provoqués par le cyclone Chido.

Dès la sortie de l’avion, l’humidité et la chaleur sont saisissantes. Le hall est sombre, l’ambiance moite et les bagages tardifs. Une nacelle mobile vert kaki semble avoir pris le relais de la tour de contrôle dont le toit est rapiécé de tôles de couleurs différentes. Les témoignages des jours d’après le cyclone parlaient d’un automne du végétal bruni par le choc, saison inconnue sous ces tropiques. En moins de 2 mois, le vert a repris le dessus, mais les arbres fauchés par les vents jonchent encore le sol. On retrouve partout des toitures arrachées et des tas de déchets qui s’accumulent. Encore quelques épaves dans le port en allant rejoindre la barge qui, elle, n’a pas changé. Je retrouve des sensations, des lieux, des odeurs aussi. Beaucoup. La barge engage sa courbe, et Mamoudzou se dévoile au loin. Elle est plus dense et plus vaste que dans mon souvenir, et les bidonvilles de Kawéni remontent toujours plus haut.

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Je ne suis pas venu ici pour reconstruire quoi que ce soit, et encore moins pour donner des leçons à quiconque. Je viens faire le peu que je sais faire : rencontrer, écouter, donner la parole et parfois tisser des liens entre les idées des autres. Avec une question en tête : comment réparer Mayotte ?

Il n’y a pas que les dégâts sur les bâtiments et les infrastructures commis par Chido qu’il faut réparer. Il y a aussi ceux sur les corps, les âmes, la forêt, la faune, les sols, le lagon… Et puis le choc a autant montré la capacité de la population à se mobiliser que les failles des organisations. Mais il n’y a pas non plus que les blessures infligées par le cyclone dont il faut prendre soin. La population de l’île a doublé depuis que je l’ai quittée. C’est une croissance inentendable depuis l’hexagone, mais qui ne s’est pas traduite en développement. Bien au contraire : explosion des bidonvilles, pénuries d’eau, violences, crises sanitaires, embouteillages, inégalités… Autant d’enjeux qui questionnent l’habitabilité de l’île à court ou moyen terme.

Et si les solutions venaient de Mayotte et des femmes et des hommes qui la peuplent ? C’est mon pari. Ma certitude. Alors, vous lirez et entendrez ici dans les prochaines semaines les témoignages de celles et ceux qui y font la ville au quotidien. On commence aujourd’hui par un échange avec Cyrille Hanappe, et un très beau texte de Lola Paprocki qui témoigne du choc et de la mobilisation des premières semaines.

— Sylvain Grisot (Linkedin)

PS : dixit.net participe à un collectif professionnel “Nouvelle Donne Foncière” dans le cadre de l’Université de la Ville de Demain (Fondation Palladio). Un des objectifs du collectif est de capitaliser sur les expériences terrains de baux de longue durée (bail emphytéotique, bail à construction ou autres). Si vous avez une expérience (fructueuse ou infructueuse) avec ce type d’outils, nous vous encourageons à répondre à ce court questionnaire.

Deux dates à ne pas rater dans les prochains jours :

📆 19 février, webinaire “Design, territoire et politiques publiques”. L’agence Vraiment Vraiment organise la 4ème séance d’un webinaire co-animé avec la Chaire Transformation de l’Action Publique de Sciences Po Lyon. Au programme, un échange sur les mots qui fleurissent un peu partout : design prospectif, imaginaires, design du futur, design fiction… quels apports et pratiques pour les territoires et leurs futurs ? Rendez vous sur vos écrans à 17h30 mercredi 19 février.

📆 Jusqu’au 24 février, inscriptions au festival Microtopie. Le festival de micro-architecture Microtopies revient pour une 4ème édition et invite collectifs, créateurs et créatrices à réinventer nos paysages urbains, en explorant l'imaginaire, l'utopie et le remploi.

🛝 Faire la taille : pour des territoires à Hauteur d’enfants. Alors que l’invisibilisation des enfants gagne les espaces privés (pour le “confort” des adultes), les espaces publics tentent de faire peau neuve grâce à la mobilisation d’élus et collectifs citoyens (voir notre podcast avec Récréations urbaines ou notre article) . Cette étude de l’ADEME contribue à cet effort, en fournissant aux acteurs de la conception d’espace public des clés pour faire mieux. Mieux pour les enfants, c’est sûr, mais mieux pour tout le monde finalement. En donnant la parole à la fois aux experts et à leurs usagers petits et grands, l’étude dresse un bilan des sites créés, de leur conception à leur exploitation. 13 espaces publics aux caractéristiques variés, qui mettent à l’honneur les besoins et les envies des enfants, qui forment une source d’inspiration mais aussi une mise en garde des écueils à éviter.

Penser les territoires pour et avec les enfants dans toute leur diversité semble donc un formidable levier pour changer de paradigme et aller vers des territoires plus justes, plus empathiques, plus écologiques.

🇧🇫 La Souveraineté de la Terre Une leçon africaine sur l’habiter. (éditions Seuil) Danouta Liberski-Bagnoud nous emmène dans un voyage exigeant et passionnant dans les fictions fondatrices de notre rapport à la terre. Elle commence par déconstruire la conception de propriété privée du sol comme universelle et nécessaire. Elle s’attèle ensuite à la tâche périlleuse de décrypter le mode d’habiter eles sociétés voltaïques d’Afrique de l’Ouest, sans les biais de la tradition juridique et économique occidentale. La Souveraineté de la Terre décrit comment des peuples africains érigent la Terre en une instance souveraine. Cette fiction régit par le rite les rapports des hommes entre eux et à la terre. Un ouvrage important à l’heure de la crise écologique pour repenser notre rapport au monde.

Dans les sociétés voltaïques, les hommes n’exercent aucune souveraineté sur la Terre, mais ils sont des sujets de la souveraineté que la Terre exerce sur eux. La Terre n’appartient à personne d’autre qu’à elle-même.