🐩 Une bonne histoire ne suffira pas

🐩 Une bonne histoire ne suffira pas
Crédit : Numerama


J’avoue avoir laissĂ© passer ce bestseller sans doute connu de nombre d’entre vous. C’est (une fois de plus) l’ami StĂ©phane qui m’a donnĂ© envie de lire Ecotopia d’Ernest Callenbach, dĂ©couvert il y a quelques mois dans son incontournable newsletter.

L’idĂ©e d’écrire un roman pour soutenir un positionnement politique n’a rien de bien original. Ce qui est Ă©tonnant ici, c’est l’actualitĂ© de cette fiction pourtant publiĂ©e en 1975 qui nous parle dĂ©jĂ  des redirections Ă  engager aujourd’hui. Alors bien sĂ»r on n’y Ă©voque pas la crise climatique, mais le reste des enjeux y est bien prĂ©sent : surconsommation, pollutions, dĂ©rives des institutions, rapport hommes/femmes, incapacitĂ©s Ă  engager collectivement le changement
 C’était il y a un demi-siĂšcle maintenant et tout y est dĂ©jĂ , ce qui jette une lumiĂšre crue sur le (court) chemin parcouru depuis.

Dans le roman, le virage s’amorce par un choc : la sĂ©cession de trois Ă©tats de la cĂŽte ouest — Californie en tĂȘte — qui quittent violemment les États-Unis pour prendre leur propre chemin, loin du pĂ©trole, du plastique et de leurs sous-produits culturels. Quelques annĂ©es aprĂšs un journaliste amĂ©ricain part Ă  l’exploration d’Ecotopia, ce nouvel État, et nous raconte son voyage. La construction, l’éducation, la consommation, la politique, les organisations, le rapport Ă  la nature
 tout a peu ou prou changĂ©. Ce n’est pas un simple coup de peinture verte sur la croissance qui a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e Ă  Ecotopia, mais une redirection Ă©cologique globale. La sobriĂ©tĂ© et le ralentissement sont au cƓur de ce changement de cap, avec pour consĂ©quence des changements de modes de vie radicaux. C’est justement les renoncements qui font hĂ©siter le personnage principal : sont-ils acceptables collectivement ?

Au-delĂ  des idĂ©es qu’il porte, le succĂšs de ce roman illustre aussi un fait qu’il ne faudrait pas oublier : ce ne sont pas les bonnes idĂ©es qui font les bonnes fictions. La volontĂ© de sauver le monde ne remplace pas un minimum de trame narrative et des personnages incarnĂ©s. Quand la fiction n’est que le papier d’emballage d’un programme politique aussi vertueux soit-il, ça passe difficilement. Cela fait partie des dĂ©bats que l’on a dĂ©jĂ  amorcĂ©s Ă  dixit.net, Ă  l’occasion du concours de nouvelles lancĂ© l’annĂ©e derniĂšre. On retrouve aussi dans « Ecotopia » un procĂ©dĂ© narratif efficace, avec ce choc qui mĂšne Ă  la redirection complĂšte de la sociĂ©tĂ©. Dans l’excellent roman « SiĂšcle Bleu », c’est la vue de la Terre depuis l’espace qui provoque la prise de conscience et amorce une mutation globale. Plus modestement, c’est une crise agricole mondiale qui provoque la transition vers un urbanisme circulaire dans le petit rĂ©cit introductif du « Manifeste pour un urbanisme circulaire ». La pandĂ©mie que nous vivons n’a rien d’un procĂ©dĂ© narratif, mais ce choc bien rĂ©el peut-il ĂȘtre le dĂ©but d’une autre histoire ? J’ai envie de croire qu’il marque la fin (tardive) du XXe siĂšcle et la naissance agitĂ©e du suivant. Mais pour le moment, cette crise mondiale qui a touchĂ© plus ou moins violemment chacune de nos vies a davantage donnĂ© envie de retourner Ă  la normale que des idĂ©es de changement.

Nous avons besoin de rĂ©cits pour donner de la cohĂ©rence aux arguments rationnels, raccorder les points pour rendre visible la cohĂ©rence des Ă©vĂšnements qui nous submergent. Nous avons aussi besoin de nouveaux rĂ©cits politiques, de rĂ©cits performatifs qui font passer Ă  l’action. Des visions Ă©clairantes de l’avenir qui donnent envie de laisser le prĂ©sent derriĂšre nous et d’engager la redirection. Et des politiques en capacitĂ© de tisser ces rĂ©cits.

— Sylvain

PS : "RĂ©parons la ville !", le petit livre Ă©crit avec Christine Leconte, sort aujourd'hui en librairies. C'est le moment de nous faire vos premiers retours ;)

👋 Pas de newsletter la semaine prochaine, on vous laisse une jolie histoire pour patienter pendant nos vacances :

Vol au-dessus d’une ville de fous-fous

« Eh la fauvette, t’attends ton tour ! », la grosse voix de Rossi m’a arrĂȘtĂ©e net. Le vol supersonique des colombes aussi. Du haut de sa tour de contrĂŽle, Rossi organise la manƓuvre depuis le pigeonnier du parc. Il faut dire qu’entre les petits Gravelots, les merles, les rossignols, les corneilles, le trafic est dense ! Et gare Ă  rester dans son couloir pour Ă©viter les gros faucons (...)

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📆 Save the date. Le 17/02 Ă  Saint-Ouen, visite de la Fabrique du MĂ©tro, puis apĂ©ro avec Sandrine Gourlet pour dĂ©couvrir le Grand Paris Express. (Femmes en Mouvement)

đŸŽ™ïžPodcast. En deux minutes d’un excellent Ă©dito, Thomas Legrand nous explique pourquoi le logement et l’urbanisme devraient ĂȘtre un thĂšme central de la campagne, et comment ils pourraient redonner du sens Ă  l’action politique. (France Inter)

🚗 MobilitĂ©. EnquĂȘte d'opinion des français sur leurs modes de dĂ©placement et leurs attentes. Sans surprise, la voiture conserve une place majeure dans nos mobilitĂ©s. Mais en mĂȘme temps, il semble qu'on se rend de plus en plus compte que cela coĂ»te cher autant Ă©conomiquement qu'Ă©cologiquement. Aller vers davantage de mobilitĂ© dĂ©carbonĂ©e paraĂźt ĂȘtre un sujet majeur dans cette enquĂȘte : un appel du pied Ă  se lancer dans de grandes politiques vĂ©lo, proximitĂ© et marchabilitĂ© ? (La Fabrique de la CitĂ©)

🐩 Piou piou. Franchement, un oiseau qui se crash en plein vol contre la fenĂȘtre brillante d'un building immense, ça ne fait plaisir Ă  personne. Et si on arrĂȘtait enfin de proposer ce genre de surface sur laquelle s'Ă©crasent tant d'oiseaux ? Cet article revient sur cette contradiction Ă  souhaiter voir le plus de nature possible et Ă  la tuer en mĂȘme temps. Mais aussi sur le fait qu'on cherche des solutions, comme Ă  New York ! (Bloomberg)

📖 Citadins de demain, Capitale du Nord, de Claire Duvivier (Aux forges du Vulcain, 2021) On vous a parlĂ© d'un roman "similaire" au mois de dĂ©cembre. Il s'agit en effet de deux trilogies d'un mĂȘme cycle "La Tour de Garde". Je m'explique : les histoires se dĂ©veloppent en parallĂšle, et les villes, personnages Ă  part entiĂšre, sont sur un mĂȘme continent fictionnel. En lisant ce premier tome, on retrouve encore complĂštement l'importance de la ville, de l'espace et de l'amĂ©nagement du territoire. Une envie d'en sortir aussi, d'aller au delĂ  des murailles et d'essayer de mieux cartographier ce monde imaginaire. Encore un bon roman pour ceux qui aiment la fantasy mĂ©diĂ©valiste !

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