đŹ Ethologie du bĂ©tonpic
Connaissez-vous le bĂ©tonpicâ? Câest un ruminant placide qui a longtemps vĂ©cu en marge de nos villes, mais qui dĂ©sormais en fait son habitat naturel. Issu des confins des zones dâactivitĂ©, il a migrĂ© si lentement que personne ne sâen est aperçu. Mais il a bel et bien pris le contrĂŽle de nos villes.
Le mode de reproduction du bĂ©tonpic reste mystĂ©rieux, suscitant des controverses scientifiques dont je vous Ă©pargne les dĂ©tails. Les grands regroupements observĂ©s Ă proximitĂ© des centrales Ă bĂ©ton en marge des secteurs urbanisĂ©s laissent suggĂ©rer que cet environnement est favorable Ă ses Ă©bats. Hermaphrodite, il porte fiĂšrement sur son dos ses organes mĂąles : 4 pour les plus jeunes sujets, mais jusquâĂ 12 ont Ă©tĂ© observĂ©s sur des plus ĂągĂ©s. Il dissimule ses organes femelles sous son ventre, obligeant les bĂ©tonpics Ă se monter sur le dos pour copuler. Un acte qui mobilise souvent plus de deux individus : prĂšs dâune centaine ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© aperçus en train de se co-reproduire. Pendant parfois plusieurs mois.
Animal lourd et lent, il profite de la multiplication des friches urbaines et des dĂ©laissĂ©s routiers pour se dĂ©placer discrĂštement en longues colonnes vers les centres. AprĂšs quelques annĂ©es de migration, le voilĂ dĂ©sormais omniprĂ©sent dans le cĆur de nos villes. On le retrouve aux abords des Ă©coles et autres Ă©quipements publics quâil semble particuliĂšrement affectionner. Mais câest aussi les secteurs piĂ©tons et les places de nos villes quâil occupe dĂ©sormais, sans doute attirĂ© par lâabsence de vĂ©hicules motorisĂ©s. Des spĂ©cimens auraient mĂȘme Ă©tĂ© aperçus dans une crĂšche Ă NoĂ«l.
Personne ne le voit, alors quâil est partout. Câest une espĂšce invasive. Lourd, gris et hĂ©rissĂ© de ses organes reproducteurs agressifs, il est pourtant manifestement inadaptĂ© au mode de vie urbain. Alors que fait-il iciâ? LĂ encore, les versions des Ă©thologues divergent. Certains pensent quâil sâest adaptĂ© Ă nos villes Ă la faveur du changement de climat (sĂ©curitaire), mais les marquages dâĂ©leveurs sur le flanc de certains spĂ©cimens tendent Ă dĂ©montrer quâils ont Ă©tĂ© capturĂ©s dans la pĂ©riphĂ©rie et acclimatĂ©s Ă nos contrĂ©es. Des tĂ©moignages font mĂȘme Ă©tat de vente de viande de bĂ©tonpic dans des boucheries clandestines, mais ils restent sujets Ă caution.
On observe toutefois ces derniers mois lâĂ©mergence de variants de bĂ©tonpics qui semblent plus adaptĂ©s Ă la vie urbaine. Certains quittent leur pelage gris pour se parer de couleurs chatoyantes, mais dâautres dĂ©veloppent aussi des carapaces qui dissimulent leurs organes reproducteurs. Quelques humains auraient Ă©tĂ© aperçus assis sur le dos de ces bĂ©tonpics, attestant de la formidable adaptabilitĂ© de lâespĂšce et dâun dĂ©but de domestication par lâhomme.
La pĂ©riode des attentats qui a meurtri la France il y quelques annĂ©es a nĂ©cessitĂ© dâadapter nos espaces publics Ă de nouvelles menaces. Des blocs de bĂ©ton ont alors fleuri dans nos villes, sans autre prĂ©occupation que la rĂ©ponse urgente Ă un lĂ©gitime besoin de sĂ©curitĂ©. Ces blocs nâont pourtant pas Ă©tĂ© conçus pour cela. Sortes de legos taille XXL, ils sont empilables et servent Ă bĂątir des murs pour stocker des matĂ©riaux manipulĂ©s au tractopelle dans des fermes ou des installations de travaux publics en pĂ©riphĂ©rie de nos villes.
Câest donc juste pour leur poids et leur disponibilitĂ© quâils ont Ă©tĂ© implantĂ©s dans nos rues il y a quelques annĂ©es. Mais ils sont toujours lĂ , tĂ©moignant de lâurgence de lâĂ©poque et de notre incapacitĂ© Ă penser globalement lâespace public. Car si celui-ci nĂ©cessite une protection, pourquoi celle-ci devrait ĂȘtre agressive et sans utilitĂ© en temps de paixâ? Le coup de peinture est nĂ©cessaire, mais puisque ces blocs ne sont pas empilĂ©s, pourquoi ne pas en choisir avec des surfaces planes pour multiplier les bancs dont nos villes manquent cruellementâ? Pourquoi ne pas leur adjoindre systĂ©matiquement des assises en bois ? Lâurgence a trop durĂ© pour encore justifier la mĂ©diocritĂ© de ces installations et l'omniprĂ©sence de cette espĂšce envahissante au cĆur de nos villes.
â Sylvain
PS1 : Preneur de vos plus belles photos de bétonpics en liberté, en répondant simplement à ce mail pour compléter l'album.
PS2 : Nous serons à Sophia-Antipolis le 26 avril pour un grand atelier Fresque de la ville et une conférence sur l'urbanisme circulaire à l'ADEME. N'hésitez pas à nous rejoindre !
đ Save the dates. Rue Commune vous invite Ă des dĂ©bats d'experts dans les mois Ă venir. Le 21 avril, de 9h Ă 10h30, ils aborderont les thĂšmes de la mobilitĂ© et de lâĂ©cologie urbaine. Le 31 mai, de 9h Ă 10h30, il s'agira de mobilitĂ© et usages.
đ Question utilitĂ©. Cet article propose un petit retour sur les micro-forĂȘts qui s'installent de plus en plus en ville. Ces espaces dĂ©diĂ©s Ă la nature tentent de remplir leur rĂŽle d'Ăźlot de fraĂźcheur. Ils font bien sĂ»r font partie de la renaturation urbaine, mais sont-ils suffisantes ? Ou vraiment efficaces ? (The Conversation)
đ Les Banlieues. L'Horizon, le premier long-mĂ©trage d'Emilie Carpentier, sorti en fĂ©vrier dernier, rĂ©unit les problĂ©matiques Ă©cologiques et la question des banlieues : un axe inĂ©dit pour le cinĂ©ma français. Il met en lumiĂšre Adja, une jeune de 18 ans et son ami de lycĂ©e, Arthur, qui vont s'intĂ©resser de prĂšs Ă la ZAD se trouvant Ă la limite de leur quartier. Ce film entraine les spectateurs Ă suivre ce qu'on appelle aujourd'hui la "GĂ©nĂ©ration Climat" ! (Films du Losange). Pour aller plus loin sur la question des ZAD, nous vous conseillons aussi La SĂ©rie Documentaire de France Culture (LSD), qui y consacre 4 Ă©pisodes.
đŽ CoopĂ©rative Oasis. Mathieu Labonne, prĂ©sident d'une coopĂ©rative qui rassemble des Ă©co-lieux, raconte sa vision de ces espaces de partages et d'ouverture, qui cherchent Ă recrĂ©er du lien et repenser une forme d'urbanitĂ© plus collective. Ce podcast lui donne la parole pour comprendre la transition globale que ces lieux catalyseraient dans un Ă©pisode intitulĂ© : Les oasis, mille et une nouvelles maniĂšres d'incarner le vivre ensemble. (Relations)
đ Demain, les villes ? Paroles de chercheuses et de chercheurs, de Sylvain Allemand (Presse Universitaire de Rennes, 2021) Parlons tout d'abord du contenant. L'objet est beau, doux, Ă©pais, on a mĂȘme l'impression que les pages sentent bons ! Des photos ça et lĂ , des digressions par ordre alphabĂ©tique Ă ne plus en finir. Bref, c'est un bel ouvrage qui aborde tous (?) les sujets de la ville de demain qui commence dĂšs maintenant. Toutes les recherches en cours ne se valent pas, de notre humble point de vu (intĂ©rĂȘt plus Ă©levĂ© pour le sous-sol que pour la voiture autonome...), mais ce livre a le mĂ©rite de les clarifier et de mettre en lumiĂšre des sujets capitaux, oĂč l'interdisciplinaritĂ© n'a rien d'Ă©vident.
dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la premiÚre fois, c'est le moment de vous abonner à cette newsletter.