Pas de Vacances pour la Vacance

Voulant se pencher en détail sur la vacance des logements, on a rencontré Thomas Charrier, créateur de l’outil “Pas de vacances pour la vacance”, soutenu par l’ADEME pour guider les élus, les collectivités et autres acteurs de l’aménagement urbain dans l’identification de la vacance des logements.

Pas de Vacances pour la Vacance

Un commun, qu’est-ce que c’est ? Dans une précédente rencontre avec un pionnier sur la question, Gabriel Plassat, ingénieur à l’ADEME, nous avons exploré le sujet, en particulier dans le domaine de la mobilité.

Un commun se définit par une ressource, c'est un actif qui peut être de la connaissance, des données, un logiciel, un objet ou du matériel. Il se caractérise ensuite par des règles pour le gérer, qu'on retrouve dans la licence qui va être choisie, et une communauté qui va chercher à faire grandir cette ressource, à la constituer, à la développer, puis à l'améliorer. C'est assez différent d'une ressource où le propriétaire développe et garde la ressource.

Gabriel Plassat, pour dixit.net

Voulant se pencher en détail sur la vacance des logements, on a rencontré Thomas Charrier, créateur de l’outil “Pas de vacances pour la vacance”, soutenu par l’ADEME dans leur campagne d’Appel à Commun (AAC). Cet outil a été sélectionné, et souhaite guider les élus, les collectivités et autres acteurs de l’aménagement urbain dans l’identification de la vacance des logements. L’objectif est ensuite de les orienter vers une éco-conception et une réhabilitation de ces espaces, une alternative à l’étalement urbain.

Pas de Vacances pour la Vacance (PDV) est un outil en ligne de visualisation de données, une carte interactive. C’est plus précisément un site web qui “propose une observation de la vacance des logements à l'échelle de toute la France”. L’ensemble des indicateurs présents sur le site permettent un “décryptage rapide du contexte et mettent en lumière les existants d’un territoire”.

C’est un outil commun, c’est à dire soumis à la participation du plus grand nombre et qui a pour intention d’être saisi par la communauté, dans une logique de partage de la donnée. Cette rencontre avec Thomas Charrier nous a permis de comprendre en détail cet outil, comment l’utiliser et en quoi il peut servir de vecteur d’initiative d’éco-conception pour exploiter au mieux ces bâtis existants, mais inutilisés.

Une idée et une formule.

De nombreuses recherches et documentations sont déjà disponibles sur la vacance de manière générale et sa définition, qu’il est d’ailleurs peut-être important de redonner. L’INSEE nous dit qu’un logement est vacant s’il est “inoccupé et proposé à la vente, à la location ; déjà attribué à un acheteur ou un locataire et en attente d'occupation ; en attente de règlement de succession ; conservé par un employeur pour un usage futur au profit d'un de ses employés ; sans affectation précise par le propriétaire (logement vétuste, etc.).

Mon associé et moi-même avons décidé de s’intéresser en détail et en profondeur au bâti existant qui revêtait avant tout d’un intérêt patrimonial, notamment face à une production neuve qui s’est extrêmement standardisée depuis le tournant des années 2000 et de la RT 2005. Pendant ce temps-là, on s’interrogeait beaucoup sur la vacance en générale, comment l’identifier, comment la localiser ?

— Thomas Charrier, créateur de PDV

Thomas Charrier, avec son associé de l’époque, constituaient une double expertise, respectivement celles d’urbaniste et d’architecte. Ils ont voulu explorer les possibilités de recenser la vacance sur le territoire, tâche encore incomplète et difficile à mener, car les données appartiennent la plupart du temps au domaine du privé. Ou bien, ce sont les données vastes de l’INSEE qui ne couvrent pas tous les bâtis et qui concernent un recensement de population.

C’est ainsi que notre intervenant établi le constat suivant :

Les données sur le logement, et en particulier sur la vacance, qui historiquement, relèvent des impôts pour une appréciation très fine de l’INSEE pour une approche à la commune dans le cadre de recensement, n'étaient soit pas suffisamment solides sur un plan méthodologique pour systématiser les analyses, soit inaccessibles dans le cadre des impôts, parce que cela relève de données privées qui ne sont ouvertes que dans le cadre d’un travail en partenariat avec une collectivité sur un tissu dans le cadre d’une étude.

— Thomas Charrier

C’est par la découverte d’une initiative jurassienne, oqp.fr, que notre interlocuteur s’est interessé de plus prêt à l’Open Source, la donnée commune. Il s’agit d’une carte interactive et collective sur laquelle les communautés qui observent des logements en apparence vacants peuvent les renseigner directement sur la plateforme et préciser l’état du bâti. La plateforme permet un recensement, mais s’engage aussi à réfléchir à des travaux de rénovation pour permettre à ces espaces d’être à nouveau habitable. C’est ainsi que naît l’idée de PDV.

Une des hypothèses de base de PDV est d'essayer de faire intervenir l’écoconstruction en général sur une grappe de logements, voire sur un quartier, pour peu qu’on arrive à identifier des gisements qui permettent un passage à l’échelle. Caractériser la vacance est un vrai enjeu. C’est un premier pas vers un fléchage en fonction des biens ou des secteurs vers des méthodes d’intervention qui sortent un peu de la rénovation traditionnelle.

— Thomas Charrier

A destination de qui ?

Open Source, données communes, participation collective, c’est le fer de lance de Pas de Vacances pour la Vacance (PDV). Thomas Charrier a voulu penser un outil participatif.

C'est à destination de toute personne qui a à cœur ou qui a besoin de travailler dans cette logique de sobriété foncière. C’est hyper vaste. Initialement, l’idée, c’était de le destiner spécifiquement aux élus locaux. Ce n’est pas forcément un sujet qui fâche, mais ce n’est pas toujours une approche stratégique d’arriver dans un territoire en disant : “Vous avez 15 % de vacance, proposez-moi du travail pour résorber cette vacance-là !”

— Thomas Charrier

Le grand public, mais aussi les collectivités, les élus locaux, jusqu’à la région si nécessaire, dont les techniciens, des agences d’urbanisme privées et publiques, des architectes qui seraient intéressés pour un peu mieux cibler leurs interventions peuvent se saisir de l’outil. Mais aussi des agences immobilières qui évaluent la tension d’un parc et peuvent se  tourner vers la rénovation et la remise sur le marché de ces bâtiments. C’est donc une portée, une diffusion qui se veut grand public, et un usage qui peut toucher un éventail large de professionnels.

Pour quelles actions derrières ?

Avant de réaliser quoi que ce soit à partir des données qu’on observe par territoire, il est essentiel de replacer les chiffres dans leurs contextes. Notamment sur la durée de la vacance ; on estime qu’au delà de deux ans, cette dernière est caractérisée comme problématique. C’est un critère déterminant pour hiérarchiser quelles structures doivent être prises en charge en premier. Il faut aussi prendre en compte les besoins et les moyens mis à disposition de la collectivité concernée.

Je pense que c’est une des premières leçons à tirer de l’utilisation de PDV. Ce n’est pas forcément grave d’avoir de la vacance, et de toute façon, ce n’est pas illégal. Donc quand bien même on serait à des taux très élevés, c’est des choses qui arrivent. Néanmoins, si une collectivité veut s’attaquer au problème, elle a déjà des premiers éléments pour mieux situer la vacance.

— Thomas Charrier

Pour s’attaquer à la rénovation des bâtiments, l’idée est de faire intervenir l’éco-construction et l’éco-conception. C’est à dire l’« intégration systématique des aspects environnementaux dès la conception et le développement de produits (biens et services, systèmes) avec pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs tout au long de leur cycle de vie à service rendu équivalent ou supérieur. Cette approche dès l’amont d’un processus de conception vise à trouver le meilleur équilibre entre les exigences, environnementales, sociales, techniques et économiques dans la conception et le développement de produits » (Norme NF X 30-264 Management environnemental – Aide à la mise en place d’une démarche d’éco-conception, 2013).

C’est une approche méthodique qui peut et doit se combiner à l’éco-construction dans le cadre de la rénovation du bâti, et qui “prend en considération les aspects environnementaux du processus de conception et développement dans le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit" (Norme ISO14006 v2020). Cette approche fait largement partie des préconisations de PDV auprès des collectivités.

source : Pôle éco-conception

Enfin, il faut remettre au goût du jour les bâtis concernés, qui, pour certains, sont particulièrement anciens, notamment dans les centre et hyper centres médiévaux. Cela demande une expertise précise qui ne s’applique pas à tous les bâtiments de la même manière.

Dans une logique de lutte contre l’étalement urbain, si on peut éviter d’aller faire des lotissements en extension quand on a de la vacance dans son centre-ville, c’est mieux. Mais en effet, ce ne sont pas les mêmes types de logement partout, donc ce n’est pas forcément le même type de public et cela demande des interventions qui peuvent être assez lourdes sur ces logements pour qu’ils correspondent aux besoins.

— Frédérique Triballeau, dixit.net

Comment utiliser l’outil PDV ?

Il suffit de se mouvoir sur le site et de sélectionner la collectivité ou le territoire à étudier et de comparer les données : pourcentage de logements vacants, typologie du logement en question, génération de ce dernier etc...

La cartographie est là, parce que c’est une fonctionnalité qui est permise par toute l’infrastructure qu’on a mise en place. Le cœur du sujet, c’est vraiment l’application PDV dans laquelle vous avez un petit moteur de recherche sur la page d’accueil, vous tapez le nom de votre collectivité, vous allez tomber sur les informations. N’hésitez pas aussi à vous balader en plus sur le site, on a plusieurs onglets qui détaillent la démarche et la méthodologie.

— Thomas Charrier

source : site web de PDV https://pdvplv.org/

Notre intervenant est également disponible pour être contacté de la part des collectivités (et pas que) et apporter une plus-value à l’outil, pour aller vers une prise d’initiative une fois les chiffres et le contextes territoriaux pris en compte. N’hésitez pas à le contacter : thomas@territoirecirculaire.fr

Le résultat d’un appel à commun de l’ADEME

L’outil s’est développé grâce au financement de l’ADEME obtenu suite à l’appel à commun (AAC) « Résilience des Territoires » lancé l’année dernière. Cette candidature a permit à Thomas Charrier de structurer sa pensée autour de l’outil, mais aussi de multiplier les rencontres et interviews, comme avec la start-up d’Etat Zéro logement Vacant.), qui ont aidé à la concrétisation du projet. L’association avec la société bretonne Koumoul a permis de sécuriser la base de donnée, accessible et strandardisée sur le site. Enfin, on espère que les collectivités se saisiront de cette plateforme pour engager des changements et se tourner vers un urbanisme circulaire. Il est important de rappeler que PDV est un Commun pensé en complément d’initiatives en cours à l'échelle nationale et locale (Action Cœur de Ville, Petite Ville de Demain, Zéro Logement Vacant, Zéro Artificialisation Nette, Fonds Friches, Territoires Pilotes de Sobriété Foncière...).

Pas de Vacance Pour La Vacance n'est pas conçu simplement comme un outil de recensement du foncier invisible et des logements vacants, mais véritablement comme un moyen de comprendre les retombées positives que cela peut avoir pour un territoire, liées à la rénovation du patrimoine en sommeil avec des moyens circulaires.

Marine Meunier · dixit.net · Mai 2022

Pour aller plus loin :