Prendre de la hauteur

Les toits des immeubles peuvent être des surfaces pleine de ressource. A Nantes, Symbiose ouvre la voie de l'occupation des toits d'immeuble avec un projet ambitieux : une serre bioclimatique.

Prendre de la hauteur

Le projet Symbiose conjugue une innovation technique et renouvellement urbain. Ce projet ambitieux consiste en l’installation d’une serre chauffante sur le toit d’un immeuble d’habitation. L’immeuble de 24 logements sociaux construit dans les années 1970, dans le Nord de Nantes à Orvault, fait aujourd’hui partie d’une opération ANRU. L’immeuble a été choisi pour accueillir cette serre bioclimatique qui permet à la fois de récupérer la chaleur produite pour préchauffer l’eau chaude des logements, et de proposer un nouvel espace de vie de 400 m² pour les habitants. C’est un projet de transformation de l’existant qui favorise l’intensification des usages et l’économie d’énergie.

Le projet est d’abord né d’une rencontre et d’une première idée. L’agence Claas architectes s’est associée sur ce projet avec la startup Ectropy et l’entreprise SCE pour trouver une manière d’exploiter les toits des immeubles. L’idée était alors d’avoir à la fois un lieu de production d’énergie et de proposer un espace qui soit utilisable et habitable. C’est avec cette idée que nous sommes allé voir Nantes Métropole Habitat. Le projet s’est aussi beaucoup enrichi à leur contact : en lien avec la production sobre d’énergie, tout un volet lié à la réhabilitation et la transformation du patrimoine s’est ajouté. Le parc de logement social du bailleur est constitué en grande partie de bâtiments des années 1960 et 1970. La réhabilitation thermique de ces bâtiments est donc un sujet d’actualité.

— Boris Nauleau, architecte

La réhabilitation de l’immeuble est l’occasion pour Nantes Métropole Habitat de tester des transformations dans le cadre d’une vaste campagne de renouvellement urbain. Les démolitions-reconstructions coutent souvent cher et la transformation de l’existant par l’ajout d’un nouvel élément, comme cette serre, permet de faire évoluer le bâtiment et de renouveler ses usages sans en passer par là. En plus de la serre sur le toit, un ascenseur sera également installé à l’intérieur du bâtiment. Il desservira l’ensemble des logements, mais également le toit pour faciliter la logistique autour des futures plantations maraichères.

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La serre va permettre de produire l’eau chaude des 24 logements de l’immeuble, toute l’année. Par l’effet de serre, les rayonnements solaires sont captés avec des pompes à chaleur. L’ensemble bénéficie cependant de plusieurs innovations techniques qui permettent de maximiser les performances énergétiques.

Tout le volet innovation est notamment sur le pilotage de la serre et des pompes à chaleur pour réguler les températures à l’intérieur de la serre, avec des ouvertures et de l’ombrage. Cela permet d’avoir le meilleur rendement possible sur l’eau chaude. C’est là tout l’apport de l’entreprise Ecotropy avec notamment un pilotage par algorithme de la serre et de la régulation en temps réel avec la météo. Grâce à cette régulation, on est dans un climat où on va pouvoir plus facilement faire pousser des plantes.

La serre offre également une opportunité d’expérimenter l’agriculture urbaine. Nantes Métropole Habitat, la Chambre d’agriculture et l’Université de Nantes se sont associées pour mettre en place la production dans la serre. L’idée est d’avoir à la fois un volet d’expérimentation tout en sensibilisant les habitants à la production alimentaire.

L’agriculture urbaine est un sujet très tendance, qui se développe, mais pour lequel on a encore besoin d’expérimenter. Avec les projections que l’on a pu faire, on sait que 400 m² carrés de serre, cela ne suffit pas pour un maraicher. Mais on sait que pour faire des expérimentations ces 400 m² seront vraiment utiles.

Boris Nauleau nous raconte les questions techniques et règlementaires auxquels le groupement a dû répondre les unes après les autres. Un des premiers obstacles identifiés était l’aléa sismique. Le groupement a dû s’assurer de la faisabilité d’un tel projet d’un point de vue structurel : ajouter une serre, sur un bâti relativement ancien, n’est pas anodin. Dès le début le groupement du projet Symbiose s’est aussi engagé dans un travail de diffusion. Les travaux amont ont permis de développer une base théorique solide qui est aujourd’hui ouverte et peut être répliquée ailleurs.

Dans les étapes qu’on a franchies pour ce projet, il y a eu une période d’incubation qui a permis de dresser le cahier des charges. On est capable aujourd’hui de dire que jusqu’en zone sismique 3 on peut le faire, au-delà c’est trop compliqué. On a aussi développé un petit outil pour tester les ensoleillements des toitures pour vérifier si l’apport solaire était suffisant. Au début, on a presque travaillé ex nihilo, on n’avait pas vraiment de bâtiment, seulement un panel de 3 ou 4 bâtiments du bailleur nantais. C’est ce qui nous a permis, par itération, d’affiner le cahier des charges et d’établir des critères pour savoir comment ce genre d’expérience pouvait être dupliquée.

Le temps de maturation du projet a donc permis d’interroger de manière plus globale la façon dont pouvaient se rendre utiles les toits des immeubles. La Métropole a également lancé l’opération « 100 % toiture utile à l’horizon 2030 ». Sur les 900 bâtiments exploités par Nantes Métropole Habitat, seuls 20 seraient finalement éligibles. Cependant, chaque opportunité est une manière nouvelle de faire la ville.

Le projet répond bien à une intensification des usages, on ne vient pas rajouter de la densité en ajoutant de l’habitat sur de l’habitat. On vient implanter de nouveaux usages dans un tissu urbain existant ou en renouvellement. L’héritage des constructions des années 60 et 70 avec ces toitures-terrasses c’est finalement un bon terrain de jeu. On se retrouve avec des toitures plutôt accessibles, sur lesquelles on peut faire des interventions plus ou moins lourdes. On pourrait imaginer de l’habitat ou de nouvelles activités. On voulait aussi d’apporter une plus-value aux enjeux de transition énergétique avec l’usage des habitants. Le nom de Symbiose vient de là, en associant cette envie énergétique et cette envie sociale.

Au-delà des questions de production énergétique ou alimentaire, Symbiose interroge nos manières de refaire la ville sur elle-même. Le modèle de ces opérations de renouvellement urbain est très souvent tourné vers des enjeux de densification résidentielle et favorise la valorisation foncière. Le projet Symbiose évoque quant à lui de nouveaux usages possibles pour une valorisation de l’existant un peu différente.

Marine Frantz · dixit.net · Novembre 2021

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