📍Projet de sol

📍Projet de sol
Photo by Glen Carrie / Unsplash

"Projet de sol" de Bernardo Secchi est le 5Úme cahier dixit.net. Un texte traduit et préfacé par Patrick Henry :

Ce texte est essentiel !

Traduit ici pour la premiĂšre fois en français, le « Projet de sol » (Progetto di suolo) s’inscrit dans les vifs dĂ©bats qui animent le monde de l’urbanisme des annĂ©es 1980. Ces controverses demeurent d’actualitĂ©, car elles continuent Ă  nous interroger sur nos capacitĂ©s Ă  prendre en compte les hĂ©ritages et Ă  considĂ©rer les sols dans la transformation des territoires.

Bernardo Secchi (1934-2014) commence son texte en rĂ©pondant Ă  ses deux collĂšgues, Bernard Huet et Vittorio Gregotti. Le premier prĂŽne le « retour Ă  la ville historique » par opposition Ă  la « ville fonctionnelle » proposĂ©e par la Charte d’AthĂšnes, alors que le second rĂ©fute le jugement absolument nĂ©gatif qui est portĂ© sur les principes de l’urbanisme du mouvement moderne. En revenant au fondement de nos territoires urbanisĂ©s, Secchi pose les termes d’une discussion qui Ă©claire aujourd’hui encore la transformation de nos cadres de vie et de l’acceptation des hĂ©ritages successifs qui ont les ont façonnĂ©s.

Bernardo Secchi est Ă  la fois un urbaniste menant de nombreux projets dans des villes europĂ©ennes, un intellectuel qui a publiĂ© de nombreux ouvrages et un professeur d’urbanisme qui a enseignĂ© dans de nombreuses universitĂ©s comme Venise, Milan ou encore Zurich et GenĂšve. InspirĂ© par la lecture de Vidal de la Blache (Tableau de la gĂ©ographie de la France, 1903), Bernardo Secchi placera l’épaisseur des sols comme objet de lecture des modifications territoriales. L’influence de l’historien AndrĂ© Corboz scellera sa conviction que le territoire constitue l'unitĂ© de mesure des phĂ©nomĂšnes humains et que l’espace collectif et public donne son sens Ă  la ville grĂące Ă  la relation entre sols et pratiques.

En affirmant que le projet de sol caractĂ©rise le projet d’urbanisme, Secchi, souligne que le sol est Ă  la fois le lieu des controverses et des rĂšgles et se place de ce fait au cƓur du projet urbain et territorial. Hormis les dĂ©bats entre urbanistes relayĂ©s par les revues italiennes Casabella et Lotus, d’autres voix, comme les Meadows (The Limits to Growth, 1972) ou Harlem Brundtland (Notre avenir Ă  tous, 1987) alertent depuis les annĂ©es 70, sur l’épuisement des ressources naturelles, sur les rĂ©percussions nĂ©fastes de nos activitĂ©s sur nos environnements et l’importance des sols dans l’attention portĂ©e aux vivants. Le projet de sol proposĂ© par Secchi, articule plusieurs Ă©chelles qui associent ville et territoire dans un dessin unitaire d’espaces naturels et d’espaces urbains. Pour cela, Secchi insiste sur l’indispensable articulation des 6 espaces qu’ils soient collectifs ou privĂ©s, supports de pratiques sociales en permanente redĂ©finition. Le projet de sol se dĂ©finit alors comme le projet « entre » : entre les choses, entre les acteurs, entre les temporalitĂ©s d’interventions
 Le projet de sol rĂ©unit et unit. Il dĂ©finit ce que nous avons en commun et que nous devons partager, non pas pour le dilapider, mais pour le prĂ©server avec la plus grande attention.

Dans un article antĂ©rieur, Secchi affirmait que les « conditions ont changĂ© » (« Le condizioni sono cambiate », Casabella, n°489/499, 1984). Que dire prĂšs de 40 ans aprĂšs la publication du projet de sols ? Les conditions continuent Ă  changer et les dĂ©fis Ă  relever sont de plus en plus nombreux. Conservons avec Bernardo Secchi la conviction que la question de la transformation des territoires relĂšve du « projet », compris dans une acception ouverte et une alliance avec d’autres disciplines. En cela, cet article demeure une contribution majeure aux rĂ©flexions que nous menons sur l’évolution de nos territoires et aux actions que nous devons entreprendre en portant une attention particuliĂšre aux sols.

– Patrick Henry

Nous avons créé la collection de cahiers dixit.net pour mettre en lumiÚre des textes, traductions et entretiens que nous pensons essentiels pour appréhender la fabrique de la ville et ses enjeux. Vous pouvez retrouver ces cahiers en format papier (chez votre libraire, ou sur notre site), mais aussi gratuitement en format numérique. Pour commander les cahiers de dixit.net, c'est ici :

PS : Prochains rendez-vous autour de la Redirection urbaine :

📅 Jusqu’au 28 mars : prĂ©commandes de l’ouvrage « RĂ©volu ». Michel Lafleur est photographe, fondateur des Ă©ditions RĂ©volues, et passionnĂ© d’urbanisme. Son dernier ouvrage : RĂ©volu, contemplation d’une dystopie, rassemble ces trois caractĂ©ristiques, et dresse un portrait des environnements urbains en montagne tout en interrogeant le lecteur sur l’avenir de ces territoires. Vous pouvez soutenir ce travail en prĂ©commandant l’ouvrage et/ou en achetant des photographies (Collecte RĂ©volu)

🔹 Logement. En janvier 2023, la nouvelle gouverneur de l’état de l’Oregon a permis la construction de plusieurs milliers de nouveaux logements abordables. En investissant massivement dans le secteur de la construction ? Non, en changeant la rĂšglementation relative au nombre de places de parking obligatoires par logement. La nouvelle rĂ©glementation a assoupli les obligations dans des zones bien desservies par les transports en commun, ou accessibles Ă  pied du centre-ville. Ainsi, 37 000 potentielles nouvelles maisons abordables pourraient voir le jour. (Sightline Institute)

🏱 Architecture. Les bĂątiments sont une trace du passĂ© de nos sociĂ©tĂ©s, ils constituent un patrimoine, une partie de l’histoire de nos villes et villages. Mais ils ne sont pas nĂ©cessairement figĂ©s dans le temps, ces tĂ©moins d’époques rĂ©volues se sont parfois rĂ©inventĂ©s au fil des sociĂ©tĂ©s et des usages. L’architecture permet alors de faire le lien entre passĂ© et prĂ©sent, que ce soit pour agrandir un bĂątiment historique, changer la fonction des espaces, ou encore rĂ©habiliter un bĂątiment inutilisĂ©. Dans ce documentaire, Sabine Reeh met en Ă©vidence le rĂŽle de l’architecture pour mettre Ă  profit ce patrimoine, le rĂ©utiliser et le conserver pour les gĂ©nĂ©rations futures. Chacun des quatre Ă©pisodes de « L’ancien fait peau neuve, une nouvelle vie pour les bĂątiments historiques » met en lumiĂšre des projets architecturaux autour d’un type de bĂątiment spĂ©cifique : musĂ©e, bĂątiments industriels, Ă©difices religieux et nouvel habitat dans des espaces anciens, montrant ainsi tout le potentiel de ces bĂątiments. (ARTE)

đŸ”ïž Fragments d’une montagne, par Nicolas nova, Le Pommier 2023. VoilĂ  une trĂšs belle collection de petits textes composĂ©s lors d’une exploration aussi mĂ©ticuleuse que personnelle des Alpes. Ils composent une image subtile d’un espace vĂ©cu et façonnĂ© par l’homme, qui vit les bouleversements climatiques de plein fouet. Le paysage se transforme et l’homme tente maladroitement d’y d’adapter ses pratiques.

« Penser comme une montagne » dans les Alpes aujourd’hui, c’est saisir d’autres interdĂ©pendances. C’est prendre acte de ses mĂ©tamorphoses, de sa transformation en une montagne-machine, hybride frankensteinien fait de multiples cavitĂ©s, protubĂ©rances et appareillages gargantuesques qui semblent faire corps avec elle. C’est dĂ©couvrir des hybrides de chiens et de loups ou des antennes de tĂ©lĂ©phonie mobile camouflĂ©es en Ă©picĂ©as. (
) c’est Ă©galement considĂ©rer les multiples rĂ©inventions qui parcourent les Alpes, reconnaĂźtre les systĂšmes cosmologiques et politiques qui s’y dĂ©ploient, d’hier Ă  aujourd’hui. (
) Les Alpes, archipel des lieux, archipel des initiatives sont autant de bribes de futurs possibles, en somme. (Fragments d’une montagne Nicolas Nova)

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