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Depuis dix-huit mois, nous avons les yeux rivés sur les chiffres. Tous les jours, nous tentons de faire parler une batterie d'indicateurs, de courbes et de cartographies pour comprendre où on en est. Et les chiffres sont formels : ça va mieux. Mais même si les terrasses sont bondées et que plus de 13000 Français vont passer cette nuit à l'hôpital à cause du virus.
Les données sont essentielles pour comprendre la dynamique de la pandémie, mais aussi pour agir. Quand on navigue à vue, il vaut mieux y voir clair. Mais la donnée brute ne sert à rien, encore faut-il la distiller finement pour en tirer des leviers d’action. On ne peut pas dire que les traitements officiels des données covid se soient illustrés par leur finesse, mais ici et là des citoyens ont fait le travail nécessaire pour rendre lisibles pour tout le monde ces données ouvertes. Merci à eux.
Changeons de registre maintenant. Pour mesurer l'étalement urbain, on a longtemps été dépendant de sources de données qui n'étaient pas faites pour cela et donnaient des résultats fantaisistes. Le fameux "un département tous les dix ans" qui ponctue les discours ministériels vient de là. Un chiffre encore entendu récemment, pourtant contredit par les nouvelles données produites par le très officiel Observatoire de l'artificialisation depuis une paire d'années, comme je l'explique dans les premiers chapitres du Manifeste (accessibles librement en ligne).
Alors saisissons-nous de ces données ouvertes pour mieux comprendre ce phénomène de consommation de sols par la croissance de nos villes. C'est le moment, car nous avons des choix à faire et donc le besoin d'y voir clair. Dans quelques jours, le Parlement devrait confirmer que les Régions vont être au cœur de la bifurcation vers la sobriété foncière initiée par la loi climat résilience, et les 20 et 27 juin, nous votons justement pour désigner les exécutifs régionaux.
Alors qui sont les mauvais élèves ? Pas de taux d'incidence ici, mais de la consommation de sol annuelle, rapportée à la surface de chaque région. Quand on regarde ce rythme d'artificialisation, l'Île-de-France se positionne nettement en tête des régions consommatrices sur la dernière année connue, suivie par la Normandie et la Bretagne ex aequo, les Pays de la Loire n'étant doublés que d'une courte tête. #pasbravo
Mais faire parler des chiffres bruts, c'est aussi chercher sous les apparences, des éléments permettant de prendre les bonnes décisions. Car nos Régions connaissent aussi des dynamiques de développement très différentes. Quoi de commun entre nos deux seconds ex aequo en effet ? Entre 2009 et 2018, la Bretagne a connu une hausse de sa population de plus de 185 000 habitants, contre seulement 34 000 pour la Normandie qui connait pourtant un rythme d’artificialisation similaire.
Alors, changeons de point de vue sur ces données. En analysant la consommation foncière rapportée au nombre d'habitants accueillis sur la période, le palmarès n'est plus tout à fait le même : la Bourgogne Franche-Comté porte le bonnet d'âne, suivie par le Grand Est et la Normandie. Et qui consomme le moins de sols par nouvel habitant ? L'île de France !
Voilà la démonstration qu'il n'est jamais simple de faire parler les chiffres, et qu'aucun indicateur n'est suffisant pour guider nos choix. Mais c'est aussi la démonstration que contrairement à une idée répandue la démographie d'un territoire n'est pas corrélée avec l'artificialisation de ses sols, et que la sobriété foncière n'est donc pas un renoncement au développement. Et oui.
Alors, votez pour qui vous voudrez évidemment, mais certains de vos candidats aux élections de la fin du mois sont peut-être plus conscients de ces enjeux que d'autres, et comptent se saisir de la clef du sol pour amorcer une transition plus globale dans nos territoires.
À mercredi prochain.
— Sylvain
PS : Last call pour mon webinaire sur l'urbanisme circulaire du mardi 15 juin à 9h, faites passer le mot autour de vous ;)
Data · L’artificialisation a son observatoire
Le Plan biodiversité de 2018 a fixé l’objectif de fournir des chiffres annuels et à une maille fine de ce phénomène et selon une méthodologie homogène sur le territoire. L’observatoire de l’artificialisation réalise un traitement spécifique des Fichiers fonciers qui permettent aujourd’hui de disposer de ces données jusqu’au 1er janvier 2019. Des données ouvertes disponibles pour chacun.
A noter le 6 juillet à 10h : webinaire sur les enjeux et les perspectives de l'observatoire national de l'artificialisation des sols. (Ministère de la transition écologique)
Ouverture · Lire, écouter, rencontrer, voir...
📅 Agenda
- 9-10-11 juin : colloque sur les sols et sous-sols dans la transition écologique. (CNRS / Pacte)
- 10 juin à 10h : conférence sur "la ressource en eau : au cœur des solutions pour réinventer notre rapport au territoire et à la conception des villes de demain ?"(Fondation AIA)
- 22 juin à 14h : Sylvain animera un cycle thématique dans le cadre du Forum des Projets Urbains intitulé “Modus operandi, ou comment faire collectif" avec Christine Leconte, Florian Dupont, Guillaume Hébert, Fadia Karam et Vincent Aurez. (Forum des projets Urbains)
- 25 juin à 11h : webinaire sur les neurosciences cognitives et urbanisme, la théorie de l’attachement au lieu, avec Emma Wilarem, citée dans le Manifeste pour un urbanisme circulaire. (Urbis le mag)
🎙️ Émission. Sujet d'actualité, on parlait d'artificialisation des sols dans la Terre au Carré, à écouter bien sûr ;) (France Inter)
📣 Élections. C'est le moment de vous rappeler d'aller voter pour vos régions et vos départements le 20 et 27 juin prochains. Et un article pour se rappeler le rôle des Régions dans la transition environnementale. (Les Horizons)
📖 A lire. Quand l'improbable surgit, un autre futur revient dans la partie ! de Yannick Roudaut.
Un ouvrage qui mêle pensée politique, philosophie, solutions concrètes, mais aussi des récits d’un futur positifs qui ne sombrent pas dans la caricature. Yannick Roudaut, en référence à Carl Gustav Jung, nous invite à changer de trajectoire et à faire l'éloge de l'improbable. Car si l'on ne peut être complètement optimiste face aux changements climatiques et sociaux, l'utopiste nous rappelle qu'il faut faire preuve de patience et de ténacité pour démoder ce monde et en faire surgir un nouveau. Sans nier les difficultés, l'auteur refuse de tomber dans le mythe apocalyptique et le cynisme, et veut "rechercher par l'action le sourire intérieur et la joie". Un appel à ouvrir nos sens et à laisser la place à l'improbable, car si l'humain peut influencer le cours des choses négativement, il peut aussi le faire positivement. (Éditions La Mer Salée)
⚠️ Appel à projets. Vous avez jusqu'au 16 juillet pour proposer une démarche de capitalisation des connaissances sur l'atténuation et l'adaptation au changement climatique reposant sur l'évolution des documents de planification territoriale et d'expérimentation de solutions. (ADEME)
📑 Veille. Une revue très complète de liens et de livres dédiée aux sols urbains par Bérénice Gagne. À creuser. (École urbaine de Lyon)
🚲 La ville durable sera cyclable. La voiture électrique est encore (trop) souvent présentée comme la solution miracle aux problèmes de pollution en ville, mais électrique ne veut pas dire "zéro carbone". L'étude présentée dans cet article est catégorique : le vélo et les autres modes de déplacements actifs sont les plus efficaces pour lutter contre l'urgence climatique. Étonnant. (The conversation)
🖌️ Il y a deux semaines, on vous expliquait pourquoi il faut repeindre nos toits en blanc. Mais en couleurs c’est pourtant très beau ;)
dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons dans notre newsletter les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment :