🔝 Lever les yeux au ciel

L’idée est tellement simple que l’on s’étonne qu’elle n’ait pas déjà été mise en œuvre partout en France. Dans ces villes qui manquent de place pour offrir à chacun un logement adapté à ses besoins, pourquoi ne pas simplement lever les yeux au ciel ? Il suffit pourtant d’une pincée d’outils numériques pour repérer tous ces immeubles sur les toits desquels il est possible de bâtir quelques appartements supplémentaires. Le potentiel est immense. Rien que dans les dix plus grandes métropoles françaises, plus de 30 000 immeubles privés sont éligibles à une surélévation. C’est plusieurs centaines de milliers de logements qui pourraient être construits sans imperméabiliser un seul mètre carré de sol, dans des secteurs où il est quasiment impossible de trouver de la place. C’est aussi l’opportunité de créer de la valeur pour payer la rénovation globale dont ont besoin nombre de ces copropriétés.

Mais entre la théorie et la pratique, il y a un écart. Car bien sûr il faut vérifier que c’est techniquement possible et financièrement jouable, mais surtout convaincre. Comment faire accepter à une assemblée de copropriétaires de nouveaux voisins sur leur toit ? C’est une sacrée rupture pour ces propriétaires qui ne sont pas des professionnels de l’immobilier, et un sacré blocage qui fait toute la nuance entre une bonne idée et un projet qui prend une forme concrète.

Et pourtant, contre toute attente, ça marche.

La société UpFactor développe ces projets par ses propres moyens, et réussit à convaincre de plus en plus de copropriétés à s’engager dans la surélévation et la rénovation globale de leur immeuble. Entre la prise de conscience écologique qui s’installe, la hausse des charges énergétiques, les aides fiscales et les contraintes réglementaires, ce qui hier semblait improbable s’impose comme une évidence.

Les choses s’accélèrent, mais il reste du chemin à parcourir avant de voir pousser sur les toits de nos villes des solutions bien réelles à nos problèmes de logement. Car il ne faut pas convaincre que des hordes de corpropriétaires rétifs, mais aussi des Mairies et des Architectes des Bâtiments de France peu habitués à voir leur ciel bouleversé. Pour eux aussi, la rupture culturelle doit être dépassée, mais là encore les choses avancent, jusqu’au problème suivant : le manque d’opérateur.

Car la France ne manque pas de promoteurs en capacité de bâtir tout bout de foncier libre dans les villes attractives, mais combien pour développer ce foncier aérien ? Combien pour construire une poignée de logements sur un toit, tout en en profitant pour engager la rénovation globale d’un bâtiment, le tout en site occupé.  Nous manquons encore d’opérateurs en mesure de bâtir la ville complexe. Autant d’opportunités pour de nouveaux arrivants qui sauront prendre la place laissée par les acteurs bien installés dans leurs habitudes. Autant de pistes de redirections pour ceux qui veulent s’engager résolument dans une autre fabrique de la ville.

— Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)

PS1 : Je serai au Québec du 28 septembre au 10 octobre. N'hésitez pas à nous signaler des projets d'urbanisme circulaire à visiter ! Ce sera aussi l'occasion d'échanger directement lors d'une rencontre à la librairie Le Port de Tête, à Montréal, le lundi 3 octobre à 17h.

PS2 : Frédérique commence un nouveau master (tout en continuant d'œuvrer chez dixit rassurez-vous) : le MSC Strategy and Design for the Anthropocene, à Strate Design Lyon. Le recrutement est ouvert jusqu'à la fin du mois, n'hésitez pas à postuler !

Construire sur des bâtiments existants pour habiter au nouvel étage ? UpFactor est une start-up qui s'est donnée pour objectif de faire prendre de la hauteur à la ville, en construisant sur ses toits. Didier Mignery, fondateur d'Upfactor, nous explique tous les enjeux de la surélévation.

🗓️ 15 septembre 2022. Webconférence sur les enjeux de la densité urbaine, avec un dialogue entre collectivités locales et organismes Hlm : comment rendre la densité désirable ? Comment conjuguer densité, mixité et logement de qualité ? Commet préserver la qualité de vie des habitants ? (USH)

🎙 ️Emission. Retour en bords de Loire, avec une belle émission de Giv Anquetil sur la Loire et son Parlement, en écho à notre échange récent avec Maud Le Floc’h. On y retrouve des entretiens passionnants avec des acteurs locaux qui fréquentent Loire au quotidien, et cette idée tenace que de donner une personnalité au fleuve change notre rapport aux non-humains comme notre regard sur le territoire. (France Inter)

✈️ Buzz : monde sans avion. Il n’y a pas de “crise écologique”, il n’y aura pas de retour en arrière possible. Alors, il nous faudra nous adapter, bien sûr, mais aussi adopter de nouveaux modes de faire. Mais surtout, maintenant, il nous faut abandonner ce qui doit l’être. Imaginer un monde sans avion, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? A quoi cela nous ferait-il renoncer ? Quels seraient les impacts ? Bien sûr, moins de CO2 ! Le petit pourcentage de personnes qui prenaient l’avion ne pourraient plus partir si facilement en weekend, bon… Mais surtout, ce serait un pan entier de l’économie touristique qui serait dans le marasme ! La redirection écologique de nos sociétés ne sera pas que facile, ne nous y trompons pas, mais elle recèle plein d’autres possibilités. (Usbek & Rica)

🛠️ RE2020 2.0. Et si on intégrait la logique de la RE2020 aux bâtiments existants ? C’est ce que propose Laurent Rossez, DGA à AIA Life Designer : une RE étendue à la réhabilitation ; une RE augmentée de 3 critères décisifs que sont la pollution, les ressources et les déchets ; une RE adaptée pour les bâtiments de plus de 50 ans ; une RE complétée par les notions de démontabilité et recyclabilité ; une RE élargie aux déplacements connexes grâce à l’aménagement du territoire. Bref, une réglementation qui se préoccupe vraiment des 80% de la ville de 2050 qui est déjà là. (Novabuild)

📖 Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, Bruno Latour (La Découverte, 2017) Quatre événements historiques majeurs des dernières années : le Brexit, l’élection de Trump, l’amplification des migrations et la COP 21 (et je rajouterai bien le recul du droit à disposer de son corps). Quatre événements, qui n’ont pas de liens directs les uns avec les autres, et pourtant… Bruno Latour tisse des sens dans des positions politiques que l’on ne comprend plus. Il nous invite à être Terriens et à atterrir quelque part pour s’orienter. Ce n’est pas du tout nébuleux et cela rassure même un peu, ce dont nous avons bien besoin.

L’impression de vertige, presque de panique, qui traverse toute la politique contemporaine, vient de ce que le sol cède sous les pieds de tout le monde à la fois. (…) La nouvelle universalité, c’est de sentir que le sol est en train de céder.

dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment de vous abonner à cette newsletter.