🌐 Penser local, agir local

Dans un monde parfait, les décideurs lisent la synthèse du rapport du GIEC, font les arbitrages qui s’imposent et le climat se calme. Mais visiblement, ce n’est pas le scénario du film dans lequel nous avons tous un rôle. Non seulement les décideurs ne lisent pas, mais même avec l’accompagnement acharné des passeurs qui font l’effort de rendre la prose scientifique intelligible, tout cela manque de concret. Car la science du climat a un problème de taille : l’échelle de ses analyses. Parler du dérèglement du climat mondial et de chocs qui concernent de vastes aires géographiques ne parle à personne. Comment toucher notre quotidien pour que chacun se sente concerné ?

C’est le pari des « GIEC régionaux » qui essaiment un peu partout. Des groupements de scientifiques de tout poil réunis pour rendre lisibles les enjeux climatiques au plus proche des citoyens, et inspirer directement les décideurs locaux. C’est une triple expérience de dialogue. D'abord entre les scientifiques eux-mêmes, car en se rapprochant des enjeux il faut multiplier les regards et travailler dans une parfaite transdisciplinarité. C’est un dialogue avec le politique, qui n’est pas si courant pour nombre de chercheurs. Mais c’est aussi un dialogue avec les citoyens, puisque l’échelle régionale permet d’aller sur le terrain pour expliquer, et aussi mieux comprendre les enjeux locaux dans toute leur complexité.

L’échelle locale permet de mieux toucher le caractère systémique des problèmes à venir. Elle permet aussi de donner aux analyses un caractère situé et concret, permettant d’accélérer le passage à l’acte comme l’écrit Hervé Le Treut :

L’examen du fait climatique dans un contexte précis est un vecteur d’actions et de réflexions qui peut mettre en prise directe les citoyens et les décideurs autour d’enjeux qui ont une portée majeure.

Et si désormais la planification de nos territoires et nos documents d'urbanisme passait avant tout par la compréhension de leurs vulnérabilités ? Regarder le climat qui s'emballe depuis le territoire, c’est finalement chercher à comprendre les fragilités des systèmes naturels, économiques et sociaux qui l’animent. Il est peut être temps de sortir des stratégies territoriales dopées à la croissance infinie pour anticiper les bouleversements en cours et accepter de penser des futurs pleins d'incertitudes.

Les décideurs qui doivent aujourd’hui comprendre nos vulnérabilités et organiser la résilience de nos territoires sont moins loin qu’on ne le pense. Engager localement le dialogue entre scientifiques, politiques et citoyens autour de nos vulnérabilités est exigeant et ne doit jamais se résumer à un coup de communication. Mais nous avons aussi besoin de penser local, pour agir local.

Ne manquez notre entretien avec le climatologue Hervé Le Treut, et de lire son ouvrage « Climat et civilisation, un défi incontournable », un texte très éclairant paru récemment aux éditions Ères.

— Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)

PS : Lecteurs et lectrices québécoises, rendez-vous le 28 septembre à 17h30 pour une table-ronde sur l'urbanisme circulaire organisée avec Entremise et le 3 octobre à 17h pour un débat à la librairie Le Port de Tête. Hâte de vous y rencontrer !

Professeur à Sorbonne Université, membre de l’académie des sciences, participant aux cinq premiers rapports du GIEC, Hervé Le Treut œuvre pour la science du climat depuis de nombreuses années. Mais il est aussi engagé localement, au travers d’un comité scientifique qui focalise son travail sur une région qui lui est chère : la Nouvelle Aquitaine. Ce Comité Scientifique, nommé Acclimaterra, en a inspiré bien d’autres dans différentes régions.

Mais Hervé Le Treut nous donne aussi une belle leçon d’engagement à destination des scientifiques. Quand la hauteur des enjeux nécessite que le chercheur prenne la parole et se tourne vers l’action, cela doit être pour continuer à faire de la science en objectivant les termes du débat, sans chercher à en gommer la complexité pour les besoins de la cause.

📅 Agenda de rentrée chargé ! Le 22 septembre, retrouvez le CAUE 44 pour échanger sur la transformation de bâtiments industriels et tertiaires en habitat. Le 26 septembre, à Paris, venez discuter ré-enchantement du pavillonnaire urbain avec le PUCA, l’ADEME et Leroy Merlin Source. Enfin, le 27 septembre, échange en ligne avec l'écrivain Patrick Chamoiseau dans le cadre du séminaire Rythmologies.

🎙️Emission. En 2030, plus d’un tiers de la population urbaine mondiale vivra dans un bidonville. Si ils sont pour la plupart situés dans les villes dites “du sud”, ne nous méprenons pas, il y en a aussi dans notre vieille Europe. Ils sont parfois si grands, si peuplés, qu’on se demande si le bidonville n’est pas la ville elle-même…(La Terre au Carré)

🚆"Machin-les-Bains, à seulement 2h40 de Paris !". Politiques d’attractivité : saint Graal ou leurre ? Dans ce court billet, Michel Grosseti revient sur le mythe des politiques d’attractivité. Il note notamment que la mobilité géographique de long terme est négligée : les entreprises et les “classes créatives” ne sont pas si mobiles que ça dès qu’il s’agit de s’installer quelque part en famille. Ces choix de localisation sont d’ailleurs très liés aux lieux des études. Peut être que le sujet est plutôt celui là, finalement, l’organisation spatiale de l’enseignement supérieur ? (Métropolitiques)

🚘 Le vrai coût de la voiture. Et si acheter une voiture vous coûtait plus cher qu’un appartement ? Bienvenu à Singapour, la ville où si on veut avoir le luxe de conduire, on en paye le prix. Un modèle qui pouvait paraître assez fou dans le monde du “free parking”, mais qui semble être une solution pour faire baisser le nombre de voiture en circulation et développer des transports en commun efficaces. In English. (Bloomberg)

📖 #MeToo, l’enquête qui a tout déclenché, Jodi Kantor & Megan Twohey (éditions Charleston) Pas tout à fait dans la ligne éditoriale habituelle de dixit, on vous le concède ! Mais on l’a lu pour comprendre comment était raconté le travail d’enquête et la place laissée aux témoignages. Et comme ça nous a plu, autant vous en parler ! Il s’agit du récit de l’enquête de deux journalistes du New York Times qui ont amorcé la bombe qui a fait chuté Harvey Winstein et déclenché le mouvement Me too. Et évidemment, comme beaucoup d’américains, ce qui aurait pu être un récit barbant de cette essentielle, mais fastidieuse enquête, devient une histoire haletante et captivante dans laquelle nous sommes toutes et tous concerné·es.

Le mouvement #Metoo est un exemple de changement social contemporain, mais c’en est aussi une mise à l’épreuve : dans cet environnement fracturé, serons-nous capables de forger un nouvel ensemble de règle et de protections juste pour tous ?

dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment de vous abonner à cette newsletter.