🎨 La culture à la ville

Urbanisme ? Cette discipline vaste, qui travaille le temps long, laissant peu de place à l’imprévisible. Culture ? Ce qui nous fait rêver et sortir des sentiers battus le temps d’une performance. Peut-on mélanger la rigidité, le (trop) parfaitement orchestrée et l’instinctif, le lâcher-prise ?

Ce sont des définitions bien pauvres de ces deux disciplines, j’en conviens, mais elles montrent l’étonnement que peut provoquer l’urbanisme culturel, à la lisière de plusieurs champs de compétences. Elle a été définie en 2018, au POLAU, pour apporter un nouveau regard sur des projets à l’interface entre la culture et les territoires, qui mélangent urbanisme, ingénierie culturelle, pratique artistique et participation citoyenne. Pensez aux balades urbaines performées, aux chroniques radiophoniques d’animaux d’un fleuve ou aux déambulations clownesques pour imaginer une nouvelle place du village… C’est ça l’urbanisme culturel. Notamment.

Cette jeune discipline se fixe trois objectifs. Tout d’abord, accompagner le territoire dans ses projets d’aménagement, de transition écologique ou d’autres enjeux, avec la culture comme moyen transversal d'action. Deuxièmement, favoriser le pouvoir d’agir des habitant.es, grâce à une expression moins technique, plus sensible, qui donne la parole à celles et ceux qui ne sont pas habitués à la prendre. Enfin, il s’agit de produire des gestes artistiques situés, pour expérimenter, vivre et ressentir les transformations, plutôt que de les raconter. Finalement, on peut voir l’urbanisme culturel comme un beau prétexte à la transversalité des disciplines, à l’enquête sur un territoire et à la rencontre de celles et ceux qui le font.

On en parle plus longuement avec Agathe Ottavi et Solène Champroy, deux urbanistes culturelles qui viennent de publier un guide pour la co-construction d’un projet culturel municipal avec les habitants , dans le cadre du programme Territoires en commun, de l’ANCT. Un guide qui recueille la parole des habitant.es, des élu.es et des agent.es de la collectivité, dans quatre territoires. Ce guide peut servir bien d’autres disciplines que l’urbanisme culturel. Il se veut un peu comme une boussole de la coopération des territoires.

Vous pourrez aussi retrouver un deuxième entretien avec Nicolas Reverdito, directeur de Pick-up production, nous amène à Transfert, démarche d’urbanisme transitoire culturel, située à Rezé au sud de Nantes. Ses portes se sont fermées il y a quelques mois pour laisser place au projet urbain de Pirmil Les Isles. C’est donc le moment de regarder en arrière pour découvrir ce qui a été fait ces cinq dernières années. Les nantais.es ont sûrement quelques souvenirs de spectacles grandioses, de concerts rocambolesques et d’ateliers construction pour les gamins, pendant que les parents se désaltèrent de bières locales.

— Frédérique Triballeau (Linkedin)

PS : Si cela vous dit d’aller voir de l’urbanisme culturel de vos propres yeux, rendez-vous au festival inter-monde sur “de nouvelles manières de faire en architecture et urbanisme” les 6 et 7 avril à Brest.

· Cycle de conférences. Le cycle Eyes on the street, une série d'événements, explore et questionne la captation des données dans l’espace public urbain. Le prochain rdv est le 8 mars, avec une table ronde sur les nouveaux récits sécuritaires dans la ville. (PCA Stream)

· Podcast. Un reportage de Giv Anquetil au sud de la Floride qui se prépare à la montée des eaux. On y découvre la gentrification climatique qui frappe un des quartiers du cœur de Miami : la petite Haïti. Alors que la riche Miami Beach est menacée par les vagues, ce quartier pauvre située sur une colline attire l’attention des investisseurs, qui efface une population d’immigrés, une culture et des bâtiments à coup d’augmentation de loyers et de juteuses propositions d’achat, pour les remplacer par des tours de logements. Chacun ses réfugiés climatiques. (France Inter)

· Canopée urbaine. De la nature en ville, oui. Sans la stresser, c’est mieux. Bien sûr qu’il nous faut davantage planter, partout, mais notamment dans les espaces urbanisés pour éviter les ilots de chaleur urbain, pour le bien-être quotidien, et pour les autres animaux, non-humains, qui partagent nos villes. Mais il faut respecter le temps du végétal, qui croit différemment selon les saisons de l’année et ses ressources en eau. Cela nous rappelle aussi qu’il faut planter de jeunes arbres dès maintenant, pour leur laisser le temps de croître et de bien s’enraciner avant qu’il ne fasse très chaud. (Construction 21)

· Où sera l’eau demain ? La Direction de la Prospective et du Dialogue Public de la Métropole de Lyon a mené une démarche innovante et expérimentale de prospective participative, appelée « Eau FuturE ». Elle invitait les habitant.es à se projeter sur un quotidien où l’eau sera plus rare. Un travail sur les imaginaires et la perception des enjeux pour faire de l’eau un sujet majeur, mais aussi accessible et interprétable par les habitant.es. Une cartographie des imaginaires émergents à découvrir et à multiplier sur tous les territoires. (Millénaire 3)

· A Arles, par le Collectif Othon (Divergences, 2023). Déambulation dans les rues du centre-ville d’Arles, mais aussi dans ses faubourgs, dans ses cités et dans ses zones commerciales. Rencontres avec un cafetier, une boulangère, un agent immobilier, des jeunes footeux, mais aussi des pigeons, des rats, des bâtiments, une tour… C’est un ouvrage écrit à 22 mains, où l’on suit 11 pairs d’yeux dans Arles. Chacun.e avec leur ton, leur ironie, leur poésie et leur attachement. Une belle façon critique de découvrir une ville.

Ville-musée n’est pas un éloge. Plutôt une critique, une pique, émise par des observateurs en alerte. Ce qui se muséifie se dévitalise. La ville-musée est une variante de la ville-fantôme. Un vestige de ville. Une ville témoin à l’envers, témoignant non de ce qu’elle sera une fois bâtie, mais de ce qu’elle fut. La ville-musée est un général en retraite qu’on visite pour contempler une archive sur pattes. Elle n’est plus habitée, elle est visitée.

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