GIEC S6E1 : Les bases physiques du changement climatique
Voici le premier épisode de la synthèse du 6e rapport d'évaluation du rapport du GIEC que nous propose Valérie Masson-Delmotte sous la forme d'un fil de tweets reproduits ici de façon plus lisible. Les autres épisodes sont ici :
Merci à elle pour ce travail !
La conférence de presse (en anglais) a été enregistrée, et la vidéo est disponible ici :
et le rapport entier (en anglais) là : ipcc.ch/report/ar6/wg1/
L'artiste @environgraphiti a créé l’œuvre qui figure sur la page de couverture après s'être inspirée d'un graphique scientifique du résumé destiné aux décideurs.
Cette oeuvre illustre l'un des messages les plus importants de ce rapport :
➡️ Le changement climatique affecte déjà toutes les régions de notre planète, et chaque fraction de réchauffement supplémentaire affectera de plus en plus chaque région, de multiples façons.
Je rappelle que le GIEC ne mène pas de nouvelles recherches, mais fait le point sur l'état des connaissances, à partir de l'évaluation critique des éléments issus des publications scientifiques.
Les centaines de scientifiques qui ont travaillé sur ce rapport ont, ensemble, évalué l'état actuel des connaissances issues des sciences du climat. Ils ont examiné plus de 14 000 études, soit des quantités massives de données.
Pour cette évaluation, nous avons accueilli de nouveaux auteurs, dont deux tiers n'avaient jamais participé en tant qu'auteurs aux précédents rapports du GIEC. Notre équipe était composée de scientifiques de 65 pays du monde entier.
Au cours du processus de rédaction, qui comporte trois phases de relecture par la communauté scientifique et les gouvernements, nous avons pris en compte plus de 78 000 commentaires d'experts et de gouvernements. Tous les commentaires sont pris en compte par les auteurs.
En raison de la pandémie, les réunions prévues ont eu lieu en ligne et nous avons dû inventer une toute nouvelle méthode de travail, qui a abouti à un processus d'approbation en ligne sans précédent pendant deux semaines, fin juillet et début août.
On nous a dit que ce serait impossible. Mais nous l'avons fait!
Depuis le précédent rapport d'évaluation (en 2013), les sciences du climat ont connu d'importantes avancées dans le monde entier.
Au cours de ces années, les climatologues ont comblé des lacunes dans les observations du climat passé, ils ont amélioré les modèles climatiques et développé de nouvelles façons de combiner de multiples sources d’informations scientifiques.
En conséquence, nous disposons aujourd'hui de l'image la plus claire du fonctionnement du climat de la Terre et de l'impact des activités humaines sur celui-ci.
Nous savons mieux que jamais comment le climat a évolué dans le passé, comment il évolue actuellement et comment il évoluera à l'avenir.
Bien sûr, nous savons depuis des décennies que la planète se réchauffe.
Mais les changements récents que nous avons observés dans le climat sont maintenant généralisés, rapides et s'intensifient. Certains des changements que nous observons aujourd'hui sont sans précédent depuis des milliers d'années - ou jamais vus auparavant.
Pour mesurer l'évolution du climat, nous avons examiné un indicateur clé, la température moyenne de la surface de la Terre sur une période d'au moins une décennie, par rapport à la moyenne de la fin des années 1800.
Le rythme de réchauffement récent est sans précédent depuis au moins 2 000 ans.
Si l'on considère les dix dernières années, la température moyenne à la surface de la Terre a augmenté de 1,1°C par degré.
En fait, chacune des quatre dernières décennies a été successivement la plus chaude depuis la fin des années 1800.
Cette température n'est pas le seul aspect qui est modifié
Les niveaux des gaz à effet de serre continuent d'augmenter rapidement dans l’atmosphère.
Les concentrations actuelles de CO2 sont les plus élevées depuis au moins 2 millions d'années.
Au cours des 100 dernières années, le niveau de la mer s'est élevé à un rythme plus rapide qu’au cours des derniers 3 000 ans.
La superficie de la banquise arctique en fin d'été est à son niveau le plus bas depuis au moins 1 000 ans.
Et le recul des glaciers à l'échelle mondiale depuis 1950 est sans précédent depuis au moins 2000 ans.
Le réchauffement que nous avons déjà connu a des conséquences considérables. Le changement climatique contribue à l'augmentation des évènements de chaleur extrême, des évènements de précipitations intenses, et des sécheresses.
Depuis les années 1950, les extrêmes chauds (y compris les vagues de chaleur au-dessus des continents et en mer) sont devenus plus fréquents et plus intenses, les événements de fortes précipitations sont devenus plus fréquents et plus intenses
Et nous constatons des augmentations des sécheresses dans certaines régions
Ces conséquences sur températures, précipitations et sécheresses affectent l'ensemble de notre planète - les personnes, mais aussi flore et faune, nature et agriculture. La saison de croissance des plantes s'est allongée en moyenne dans la plupart de l'hémisphère nord.
Les conditions météorologiques propices aux incendies - la combinaison de conditions sèches, chaudes et venteuses favorisant les feux de forêt - deviennent plus fréquentes dans de nombreuses régions du monde.
de multiples changements ont lieu dans l'océan, qui se réchauffe, s'acidifie et perd de l'oxygène, ce qui affecte la vie marine et les personnes qui en dépendent.
Le réchauffement se poursuivra au cours des prochaines décennies.
Ce qui ressort clairement de ce rapport, c'est qu'à moins de réductions immédiates, fortes, rapides et à grande échelle des émissions de gaz à effet de serre, il sera impossible de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C.
Notre rapport montre qu'au cours des 20 prochaines années, le réchauffement climatique (la température moyenne à la surface de la Terre sur une période de 20 ans) devrait atteindre ou dépasser 1,5°C par rapport à la fin du 19ème siècle.
Cependant, si nous réduisons rapidement les émissions de gaz à effet de serre - si nous pouvons réduire les émissions mondiales de CO2 à zéro net vers 2050 - il est extrêmement probable que nous puissions maintenir le réchauffement climatique bien en deçà de 2°C. Si nous y parvenons, il est plus probable qu'improbable que la température baisse progressivement pour atteindre 1,5 °C ou moins d'ici la fin du siècle, avec un dépassement temporaire de 0,1 °C au maximum. Si les émissions mondiales de gaz à effet de serre se maintiennent aux niveaux actuels au cours des prochaines décennies, le réchauffement de la planète atteindra 2°C au milieu du siècle.
Avec chaque fraction de réchauffement climatique supplémentaire, nous verrons des changements climatiques plus importants
Chaque demi-degré supplémentaire de réchauffement entraînera une augmentation de l'intensité et de la fréquence des extrêmes de chaleur, des évènements de fortes précipitations et de sécheresse
À 2°C de réchauffement climatique, les extrêmes de chaleur atteindraient plus souvent des seuils de tolérance critiques pour l'agriculture et la santé humaine.
À l'échelle mondiale, les épisodes de précipitations quotidiennes extrêmes s'intensifient d'environ 7 % pour chaque degré Celsius supplémentaire de réchauffement climatique.
Pour l'animation interactive des changements de température et de précipitations, voir : interactive-atlas.ipcc.ch
IPCC AR6-WGI AtlasIPCC Assestment Report 6 Atlashttp://interactive-atlas.ipcc.ch
Comme vous le voyez, les changements climatiques supplémentaires futurs dépendent de l'influence humaine future.
Maintenant, revenons à la situation actuelle. Il est indiscutable que les activités humaines ont provoqué et provoquent le changement climatique. C'est un fait établi.
Ce qui est nouveau, c'est que nous avons maintenant une compréhension beaucoup + avancée des liens entre nos émissions, l'augmentation de la température de surface du globe, & les changements météorologiques et climatiques que nous observons dans le monde entier.
Il est sans équivoque que l'influence humaine a réchauffé l'atmosphère, l’océan et les terres depuis la fin des années 1800. La totalité du réchauffement observé au cours de la dernière décennie par rapport à 1850-1900 est d'origine humaine.
Dans ce rapport, nous examinons tous les facteur qui affectent le climat.
Nous confirmons que les émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine sont le principal facteur de réchauffement de la planète, et nous pouvons dire clairement quelle part du réchauffement provient du dioxyde de carbone, du méthane et des autres gaz à effet de serre
Nous évaluons également l'influence des particules de pollution (« aérosols »), qui ont un effet net de refroidissement global. Cet effet de refroidissement masque en partie le réchauffement dû aux gaz à effet de serre.
Nous examinons également tous les facteurs naturels qui peuvent affecter le climat. Nous prenons en compte la façon dont la variabilité naturelle du climat module les changements causés par l'homme à l'échelle régionale, avec un effet négligeable sur le réchauffement à l'échelle du siècle.
Une avancée considérable dans notre compréhension de l’influence humaine sur le climat porte sur la manière dont les émissions issues des activités humaines entraînent des changements spécifiques du climat, y compris des événements extrêmes.
Nous savons aujourd'hui que l'influence humaine rend déjà plus fréquents et plus graves les événements climatiques extrêmes, notamment les vagues de chaleur, les fortes pluies et les sécheresses.
Les extrêmes chauds (y compris les vagues de chaleur) sont devenus plus fréquents et plus intenses depuis les années 1950, et certains extrêmes chauds de la dernière décennie auraient été extrêmement improbables sans l'influence humaine sur le système climatique.
En outre, nous savons que l'influence humaine est le principal facteur de réchauffement de l’océan depuis les années 1970 et que les émissions de CO2 d'origine humaine sont le principal facteur d'acidification de l’océan.
L'influence humaine contribue à la perte d'oxygène dans l'océan observée depuis le milieu du 20e siècle.
L'influence humaine est également le principal facteur des changements que nous observons dans les zones gelées de la planète (la « cryosphère »), conduisant au recul mondial des glaciers depuis les années 1990, de la diminution de 40 % de la glace de mer arctique depuis 1979 et de la diminution de la couverture neigeuse au printemps depuis les années 1950
Ces progrès dans notre compréhension de la façon dont les activités humaines affectent le climat signifient qu'aujourd'hui, nous pouvons mieux estimer les changements que nous pourrions connaître en fonction de différentes quantités d’émissions, et donc différents niveaux de réchauffement, dans les différentes régions du monde, aussi bien pour les tendances graduelles que pour les extrêmes.
Le changement climatique affecte déjà chaque région de la Terre, de multiples façons.
Mais le changement climatique se manifeste différemment selon l'endroit où l'on se trouve dans le monde.
Chaque partie du monde fait face à différentes combinaisons de changements.
Dans ce rapport, nous fournissons de nouvelles informations climatiques utiles à l'échelle régionale. Il s'agit d'un domaine des sciences du climat qui a rapidement progressé au cours des dix dernières années.
Afin de refléter cette évolution et de fournir davantage d'informations utiles pour éclairer les décisions liées à la gestion des risques et à l'adaptation, environ un tiers de notre rapport est consacré aux informations climatiques régionales.
Dans ce cadre, nous introduisons notamment le nouveau concept de « facteurs climatiques générateurs d’impacts» (en anglais, climatic impact drivers) ...
Nous ne nous intéressons pas seulement à l'augmentation graduelle de la température, mais aussi à des conditions spécifiques où l’intensité de la chaleur dépasse des seuils connus pour entraîner de graves conséquences pour les personnes, l'agriculture, ou la flore et la faune.
De nombreux changements que nous analysons sont liés au cycle global de l'eau.
Le cycle de l'eau décrit la manière dont l'eau se déplace entre l'atmosphère, les terres émergées, l’océan et les régions englacées.
Avec des températures plus élevées, l'atmosphère peut contenir plus d'eau, et nous constatons une évaporation plus importante et plus rapide, et des précipitations plus fortes.
Les pluies de mousson, qui sont si importantes pour de nombreuses personnes, évoluent de manière complexe en réponse aux effets contrastés des gaz à effet de serre et des particules de pollution (les « aérosols »).
Avec un réchauffement planétaire plus important, le cycle de l'eau s'intensifiera. Cela signifie à la fois des évènements de pluies plus intenses, mais aussi une intensification des saisons sèches et des sécheresses.
Avec un réchauffement planétaire + important, on s'attend à une augmentation, à l’échelle planétaire, des précipitations annuelles moyennes sur les terre émergées, mais ces précipitations deviendront + variables au cours de chaque saison, et + variables d'une année à l'autre
Notre Atlas interactif (interactive-atlas.ipcc.ch) met à votre disposition nos informations climatiques mondiales et régionales. Il comprend des observations des changements en cours et des projections de changements futurs.
IPCC AR6-WGI AtlasIPCC Assestment Report 6 Atlashttps://interactive-atlas.ipcc.ch/
Vous pouvez utiliser l'Atlas interactif pour créer vos propres cartes et analyses à partir des ensembles de données que nous avons utilisés dans le rapport.
Vous pouvez utiliser l'Atlas interactif pour découvrir ce que le changement climatique signifie pour la région où vous vivez. En outre, de nombreux changements mis en mouvement par le changement climatique sont des processus lents.
Ces changements de très long terme concernent pour la plupart les régions gelées de la planète (la cryosphère) et l'océan.
Les changements dans les calottes du Groenland et de l’Antarctique, la hausse de la température des océans profonds et son acidification se poursuivront pendant des milliers d'années.
- Ce qui signifie qu'ils sont irréversibles de notre vivant et qu'ils se poursuivront pour les générations à venir.
Dans ce rapport, nous montrons que :
- la température de l’océan mondial devrait augmenter de 2 à 8 fois plus au cours de ce siècle qu'elle n'a augmenté depuis le début des années 1970.
- la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique se poursuivra pendant des milliers d'années.
Cela implique que le niveau de la mer continuera à monter inéluctablement.
Aujourd’hui, le rythme d'élévation du niveau de la mer est de plus en plus rapide, et la perte de masse des calottes du Groeland et de l’Antarctique a été multipliée par quatre au cours des 30 dernières années.
La bonne nouvelle est que ces changements irréversibles peuvent être ralentis par des réductions rapides, fortes et tenaces des émissions.
Et d'autres changements peuvent être arrêtés, si les émissions de gaz à effet de serre sont (profondément) réduites.
Par exemple, le recul des glaciers et de la banquise arctique se poursuivra pendant au moins plusieurs décennies, mais ces changements pourraient être arrêtés ou ralentis si les émissions sont réduites.
Pour limiter le réchauffement de la planète, il est nécessaire de réduire fortement, rapidement et durablement les émissions de CO2, de méthane et des autres gaz à effet de serre.
Nous savons que le CO2 - le dioxyde de carbone - est le principal gaz à effet de serre à l'origine du changement climatique en cours.
Nous savons qu'il provient en grande partie de la combustion de combustibles fossiles.
Ce rapport réaffirme qu'il existe une relation quasi-linéaire entre les émissions cumulées de CO2 dans l'atmosphère et l'ampleur du réchauffement climatique. C'est de la physique.
Cela signifie que le seul moyen de limiter le réchauffement climatique est d'atteindre des émissions nettes de CO2 nulles à l'échelle mondiale.
D'ici là, chaque tonne supplémentaire d'émissions de CO2 contribue au réchauffement de la planète.
Notre rapport donne plus de détails sur la façon dont la réduction des émissions affectera le climat.
Par exemple, il quantifie la quantité de CO2 supplémentaire que nous pouvons émettre tout en ayant une chance de limiter le réchauffement à près de 1,5°C ou 2°C.
Nous savons qu'aujourd'hui, environ la moitié de nos émissions de CO2 sont absorbées et stockées par les plantes, les océans et les sols. Nous évaluons comment ces processus évoluent en fonction des émissions futures.
Et nous savons désormais que si nous rejetons des quantités toujours plus importantes de CO2, ces puits de carbone naturels absorberont une proportion plus faible de nos émissions futures.
Ce rapport montre également que, si le CO2 est le principal gaz à effet de serre et qu'il est nécessaire d'atteindre net zéro CO2 pour limiter le réchauffement de la planète, d'importantes réductions des émissions d'autres gaz à effet de serre sont nécessaires.
Parmi celles-ci, les réductions de méthane, associées à des contrôles stricts de la pollution atmosphérique, seraient bénéfiques à la fois pour le climat et pour la qualité de l'air
Notre planète se réchauffe, et elle se réchauffe rapidement, avec des conséquences croissantes, partout. Ce rapport indique clairement qu'il est possible de limiter le réchauffement futur en quelques décennies.
Le climat que nous connaîtrons à l'avenir dépend des décisions que nous prenons maintenant.
J'espère que ce long fil vous donnera envie d'en savoir plus, de partager ces connaissances, et de les utiliser pour agir, rapidement.
Merci!
- FIN -
... immense merci à toute l'équipe et particulièrement à @leitzell @MelichatGo@NadaCaud pour leur expertise en matière de communication scientifique! ... oops de 1,1°C bien sûr pour la dernière décennie par rapport à 1850-1900.