🏃‍♀️ L'exode urbain n'a pas eu lieu

Exode urbain, revanche des villes moyennes, fin des métropoles, retour du rural… Si l’on en croit les couvertures des hebdomadaires et les titres de quelques livres parus ces derniers mois, la ville a fait son temps. Mais entre un clic sur une l’annonce pour une jolie maison à vendre à la campagne, le témoignage d’une envie de mobilités dans une enquête d’opinion et un vrai déménagement, il faut un peu de temps. Il en faut aussi pour vraiment comprendre la réalité de ces flux et sortir de l’exégèse de statistiques de visites de sites internet, des témoignages des agents immobiliers, des récits de vie de cadres qui quittent le 11e arrondissement et du doigt mouillé.

Les résultats intermédiaires d’un (vrai) travail de recherche viennent tout juste de confirmer les doutes que l’on avait sur le sujet, et infirmer par la même occasion beaucoup de des gros titres des derniers mois (jusqu’au Monde qui s’est fourvoyé ce week-end avec un « Immobilier : le grand déménagement »). Une fois de plus le travail d’analyse démontre que les évidences n’en sont pas, et que la réalité est plus nuancée que les discours.

Il n’y a d’abord pas de rupture constatée dans les grandes dynamiques d’avant la pandémie (attractivité des grands centres urbains, du périurbain, du littoral…) ni de mouvements massif de population qui permettraient de parler d’un « exode » de quelque nature que ce soit. Les flux de population constatés sont donc faibles, mais il ne s’est pas rien passé, car il y a bien aussi une petite accélération des mouvements vers le périurbain, certaines petites et moyennes villes et quelques espaces ruraux. Mais il ne faut pas gommer les aspérités du réel en annonçant la « revanche » de telle ou telle catégorie de territoire. Car les choix résidentiels sont toujours motivés par des qualités propres aux territoires, qui font que certains sont structurellement plus attractifs que d’autres. Ce ne sont donc pas LES villes moyennes ou LE rural qui accueillent ces nouveaux arrivants, mais bien certains de ces territoires, avec le risque d’intensifier la polarisation territoriale et d'accélérer le développement périurbain au détriment des sols agricoles.

Tout autant que la répartition géographique de ces arrivées, les chiffres masquent aussi la grande diversité de ces mobilités. Quoi de commun entre des cadres parisiens en bi-résidence qui focalisent l’attention, et une transition professionnelle qui s’ancre dans le rural, le départ de retraités vers le littoral ou les parcours de certains marqués par la précarité ? Loin de constituer un exode massif, les petits flux de ces parcours de vie si différents sont des signaux faibles qui ont du sens, et qui peuvent avoir des effets importants sur les territoires qui les accueillent. Mais ces effets aussi sont contrastés, entre dynamique nouvelle portée par de nouveaux arrivants et tensions sur les marchés immobiliers. Regarder la ville telle qu’elle va commence donc par sortir des simplifications et prendre le temps de comprendre les faits qui se cachent sous les discours simplificateurs, pour y dénicher les quelques perles qui permettent de tisser un avenir à nos territoires.

— Sylvain

PS : Voici de larges extraits du second chapitre de Réparons la Ville !, un dialogue entre Christine Leconte et moi même, ou comment en finir avec le neuf. (Adequation)

"Derrière l’expression « exode urbain » se cacherait donc un double malentendu : d’une part il n’est pas question ici d’un déferlement massif de populations « urbaines » dans les « campagnes », sorte de retour de bâton d’un exode rural qui aurait marqué les mobilités résidentielles au XXe siècle. D’autre part, les premières analyses invitent à saisir la diversité des territoires, y compris urbains : si départs de population il y a, ils sont loin de concerner toutes les catégories de villes."

Pour aller plus loin, vous pouvez lire le (petit) rapport L'exode urbain ? Petits flux, grands effets. Les mobilités résidentielles à l'ère (post-)covid. C'est un point d'étape des travaux de recherche menés par trois équipes aux méthodes complémentaires, dans le cadre d'une commande du Réseau Rural Français et du Plan urbanisme construction architecture (Puca), opérée par le programme POPSU Territoires.

📆 16 mars 2022. L’ADEME et le Ministère de la Transition Écologique souhaitent pérenniser l’intégration de l’économie circulaire à l’échelle de l’aménagement du territoire. Avec l'Organisation pour le Respect de l'Environnement dans l'Entreprise (Orée), ils organisent un webinaire : "Réhabilitation du bâti existant, réemploi et urbanisme transitoire : L'économie circulaire appliquée aux projets d'aménagement en Belgique. (S'inscrire)

💼 Candidature. Fiche de poste à destination d'un postdoctorant pour travailler sur un beau sujet : l'arrière-ville, la face cachée des métropoles post-carbone, quel imaginaire urbain ? (AREP/PUCA)

🎤 Mic on. Sylvain est intervenu dans l'émission La Terre au Carré, présentée par Mathieu Vidard. Avec d'autres intervenants, l'écologue Brian Padilla et la journaliste Héloïse Leussier, ils ont questionné la pertinence des maisons individuelles à l'heure d'un étalement urbain destructeur de nos sols, dans la continuité d'un reportage en 4 épisodes à lire sur Reporterre. (France Inter)

📖 Plus vite que le coeur d'un mortel, désurbanisation et résistances dans l'Amérique abandonnée, de Max Rousseau et Vincent Béal (Grevis, 2021) A la fois ouvrage de sociologie urbaine, mais aussi récits de parcours personnels, et carnet de voyage à Cleveland, il nous permet de comprendre que la crise des subprimes n'est pas le seul facteur de ce cauchemar urbain, et que les politiques publiques mises en place sont baignées de racisme. Mais d'autres visions, d'autres postures émergent des décombres via des jardins communautaires et des fermes coopératives :

"Nombre des jardiniers urbains que nous avons rencontrés nous ont expliqué que leur parcelle cultivée résultait de l'incendie d'une maison, voire d'un îlot. Le feu constitue fréquemment l'étape intermédiaire par laquelle le cycle de l'urbanisation s'inverse, et l'espace urbain retourne à un usage naturel ou agricole."

🎞 Film. Restons sur les terres outre Altantique, cette fois çi pour parler déclassement social, quand une ville rejette ses habitants. Nomadland de Chloé Zao (2021) raconte le nomadisme forcé aux Etats-Unis avec poésie et vérité. Il pose la question de la gestion de l'espace urbain après une crise, celle du logement, mais aussi du travail. (Allociné)

"Après l’effondrement économique de la cité ouvrière du Nevada où elle vivait, Fern décide de prendre la route à bord de son van aménagé et d’adopter une vie de nomade des temps modernes, en rupture avec les standards de la société actuelle. De vrais nomades incarnent les camarades et mentors de Fern et l’accompagnent dans sa découverte des vastes étendues de l’Ouest américain."

#StandWithUkraine 🕊️🇺🇦

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